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Tel Aviv Partie 2

Bien… après la forme, le vécu et l’expérience, traitons le fond ! Pourquoi une économie nocturne, pourquoi mener une politique de la ville la nuit et quelles sont les applications concrètes que nous retirons de Tel Aviv ?

 

Introduction du contexte international :

 

Tout d’abord, il faut prendre en considération l’évolution de notre société, et par société j’entends le modèle à la base occidental qui a rayonné sur les derniers siècles. Ce modèle est aujourd’hui en pleine évolution car il n’est plus seulement occidental, les autres parties du monde y apportent leur pierre à l’édifice, le font changer.

Avant cette évolution, l’état-nation primait sur les cités. En parlant d’immigration il s’agissait de mesurer les flux de population d’un pays à l’autre, d’une région à l’autre, souvent impulsés par les guerres ou leurs conséquences.

Evidemment ces flux migratoires en fonction des guerres sont encore présents, malheureusement. Et quoique faiblissants selon les observateurs à l’échelle du dernier siècle, ils restent une vraie problématique de société qui n’est pas le sujet d’aujourd’hui. Non, en vérité il s’agit d’une autre migration dont il est question. Celle de cité à cité. De métropole à métropole.

Dans ce schéma, l’attractivité culturelle, intellectuelle et économique d’une cité prime sur l’attractivité de son état. Comment le constate-t-on à l’heure actuelle ? Cela s’appelle le city branding ou marketing urbain en français. Les exemples sont nombreux et remontent : il est possible de citer « I ❤ NY », une campagne pour la promouvoir l’attractivité de la ville de New York à la fin des années 70, un logo encore populaire et beaucoup utilisé aujourd’hui. Egalement des exemples comme « I Amsterdam », « OnlyLyon » « ThinkLondon » ont été des slogans marquants qui révèlent en vérité un changement de dimension des villes dans leur communication.

En termes de tourisme, d’attractivité économie, ou pour attirer les investissements et intellectuels, les villes se dotent aujourd’hui de services marketing performants qui œuvrent à la visibilité de la cité et à son rayonnement à l’international. La ville de Toulouse par exemple a récemment réalisé un spot publicitaire TV institutionnel, ou encore la ville de Tel Aviv qui a externalisé le marketing, confié à une agence sur fonds privés dont le seul métier et rôle et de développer le rayonnement de la ville blanche à l’international.

Ainsi les flux migratoires ne se font plus à l’échelle des états, mais une véritable guerre des cités à qui sera la plus attractive, se livre, chacun à son échelle.

 

Pourquoi une politique de la ville la nuit ?

Dans ce contexte, on parle de la conduite d’une politique de la ville la nuit afin de rendre le champ nocturne non seulement attractif mais également d’en faire une vraie manne économique et culturelle.

Les villes ne se contentent plus seulement d’attirer les géants de l’économie comme Google, Amazon, Airbus, Toyota. Ces sociétés se composent de salariés, et ces salariés doivent avoir une qualité de vie adéquate dans leurs cités. Cela veut dire tranquillité mais aussi dynamisme culturel et festif avec une offre étoffée et unique.

C’est aujourd’hui la mission des maires de nuits et ambassadeurs à travers le monde, l’enjeu est de faire de la nuit un champ d’expression, de culture, mais aussi de respect de tous, résidents, travailleurs et noctambules.

Une nuit où vous pouvez dormir, célébrer, écouter de la musique, rire, manger et boire, est une nuit qui appartient à tous, et qui propose beaucoup. Voilà le vrai enjeu de nos cités la nuit.

 

Quelles sont les actions à travers le monde ?

L’action des maires de nuits et ambassadeurs peut prendre diverses formes. Déjà, à l’international au travers du collectif que nous formons, l’INAF (International Night Ambassador Federation). Et les initiatives sont trop nombreuses pour les lister de manière exhaustive, mais peuvent être classées en champ d’action :

 

1)     Institutionnel : L’enjeu ici est d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur l’intérêt de traiter le sujet, et de se doter d’un conseil de la nuit, d’un élu, ou d’un représentant qui sera dédier à traiter les problématiques liées à la nuit, au champ nocturne. En exemple, Madrid, à l’initiative de notre cher confrère Jorge Sanza, va se doter en septembre d’un conseil de la nuit rattaché à la Mairie. Ce travail de longue haleine, de lobbying et de sensibilisation qu’il aura réalisé va permettre à la capitale espagnole de se doter d’une vraie structure administrative pour traiter ces sujets. Autre exemple, l’action portée par l’ambassadeur de la nuit à Tokyo, ce dernier a œuvré pour la révocation d’une loi polémique qui interdisait officiellement l’ouverture d’établissement où l’on danse après minuit. Ainsi jusqu’à l’année dernière vous pouviez ouvrir un karaoké ou un café jusqu’à 6h du matin, mais pas une discothèque. Ces dernières jusque-là agissaient dans l’illégalité la plus totale mais tolérée et c’est l’action menée par notre confrère Zeebra qui aura permis de corriger cela.

 

2)     Culturel : L’enjeu ici est de conserver la capacité de création depuis la racine dans nos cités en terme artistique. Il n’est pas question d’attirer David Guetta et Beyonce ici, il est question d’inciter la population locale à la création et à l’expression en faisant appel à son talent propre, aux jeunes et moins jeunes. Il s’agit de fournir les infrastructures, une scène, des lieux d’expressions artistiques à nos talents. Ceux-ci sont latents, ils n’attendent qu’à être révélés. Combien de Nougaro, Zebda, Big Flo et Oli se cachent encore dans nos quartiers ? L’idée est de laisser bourgeonner la créativité en lui offrant la place, ce qui résulte en une vraie diversité artistique, nécessaire pour une scène locale non mainstream. A titre d’exemple, à Berlin, Lutz Leichsenring et ses compères ont créé le « Creative Footprint ». Ce projet, méthodologie universelle résultant d’une collaboration d’universitaires, associatifs et artistes, permet de mesurer l’évolution de la créativité artistique d’une ville, son offre, la répartition sur son territoire.

 

3)     Urbanisme : Transports, sécurité, accessibilité, conditions de travail telles que crèches nocturnes, premiers secours ou autres sont également des enjeux majeurs, pour nos travailleurs de nuit, pour nos noctambules. Car oui, la vie ne s’arrête pas à 21h, des infirmières, des policiers, des serveurs, des agents de maintenance, etc. permettent à la ville de continuer la nuit, de prendre le métro, de se faire soigner ou de se sentir en sécurité. Et ces individus font face à des manques de transports, à des problématiques pour faire garder leurs enfants la nuit, ou à une mise sur le banc de la société car ils sont en « décalés ». Par exemple Madrid, et en son nom son ambassadeur Jorge Sanza, défend le projet auprès de la Mairie pour une ouverture du métro 24/24.

 

4)     Economie : Le poids économique de la nuit est encore trop souvent sous-estimé car nocturne et parfois tabou. Pourtant, les bars, restaurants, cinémas, hôtels, théâtres, discothèques, et autres vivent la nuit et animent l’économie locale et du tourisme. En attestent le Pôle d’Excellence « Tourisme Nocturne » lancé en 2015 par le gouvernement français, mais également la réflexion menée par New York sur le fait d’élire son propre Maire de Nuit afin de dynamiser et « nourrir » l’économie nocturne de la grosse pomme. Au niveau des maires de nuit actuels, des études économiques sur le champ nocturne sont menées à Toulouse afin de peser le poids économique la nuit. Cette initiative, qui fait office de projet pilote, est regardé de près par l’INAF (International Night Ambassador Federation) et sera sûrement décliné, comme le Creative Footprint, selon une méthodologie universelle et appliquée dans les différentes grandes villes volontaires.

 

5)     Prévention et éducation : Parce que tout le monde ne vit pas la nuit mais que pourtant la nuit appartient à tous, il est important de traiter d’éducation et de prévention. Que cela soit de la lutte contre les nuisances nocturnes, le port du préservatif, ou simplement l’apprentissage d’être un fêtard respectueux, la nuit doit être appréhendée de manière durable et qui profite à tous. C’est pourquoi il est important d’agir auprès des jeunes par exemple au sein des lycées, et auprès des moins jeunes directement dans les établissements afin de transmettre les bons us et coutumes pour une nuit sereine et qui appartient à tous. En l’occurrence, Toulouse Nocturne réalise des interventions dans les lycées et a édité des guides de prévention « Toulouse en mode nuit » et « La Haute Garonne en mode nuit ».

 

 

Qu’est-ce que retient Toulouse Nocturne de ce sommet ?

Toulouse Nocturne a historiquement son cheval de bataille : prévention, éducation, transports et économie. Mais au-delà, il apparait crucial que les actions de Toulouse Nocturne et Occitanie Nocturne se portent aussi sur le champ culturel, en s’appuyant sur l’expertise de nos confrères à Amsterdam, Berlin, Zurich et autres. Pourquoi ne pas rêver d’une Toulouse avec une scène musicale indépendante, diverse et riche ? Pourquoi ne pas œuvrer à inciter l’expression culturelle de nos citadins, à travailler à la diversité de nos établissements nocturnes afin de varier et enrichir notre offre de nuit ?

Voilà le complément d’actions que nous souhaitons mener à l’avenir, et dont les deux premières étapes seront probablement la mise en place du Creative Footprint à Toulouse, et la constitution d’une équipe dédiée au volet culturel, soutenue par l’expertise des autres membres de l’INAF.

 

Un mot sur l’avenir, pourquoi s’intéresser à la culture ?

Nous vivons depuis près de deux siècles sur un modèle de croissance économique reposant principalement sur l’exploitation de ressources finies. L’éveil des consciences sur l’écologie et les limites de notre bonne vieille Terre mais également les inégalités humaines qu’engendre un tel système nous font poser la question : quel avenir pour notre économie ?

Un certain nombre d’économistes, dont le premier Fritz Maschlup en 1962 privilégient la piste d’un avenir fait d’économie du savoir. Le principe est simple : les ressources naturelles sont finies, dans un monde fini, et ainsi la croissance ne peut être infinie. Tandis que le savoir et la connaissance sont des ressources infinies, immatérielles, qui peuvent constituer le socle de notre économie de demain.

De demain ? En vérité, selon ces économistes, le virage de ce changement a été amorcé dans les années 90. Et si le processus est long, on peut constater aujourd’hui l’importance de l’information dans notre économie. En effet, à la fin des années 90, l’économie de la connaissance représente 50% du PIB des pays de la zone de l’OCDE.

Si ces principes peuvent paraître éloignés de notre quotidien de simples citoyens, ils sont pourtant une réalité qui prend vie dans nos villes. Alors soutenons nos esprits, nos intellectuels, notre créativité, et tournons-nous vers l’avenir. Plutôt que de subir notre avenir, façonnons-le.

 

 

Pour aller plus loin - Articles complémentaires :

City Branding : https://www.laposte.fr/lehub/Bienvenue-a-l-ere-des-villes

https://www.streetpress.com/sujet/122514-city-branding-quand-les-villes-vendent-leur-image

Pôle Excellence Tourisme Nocturne : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/tourisme/l-action-du-maedi-en-matiere-de-promotion-du-tourisme/cinq-poles-d-excellence-pour-renouveler-l-image-touristique-de-la-france/article/pole-tourisme-nocturne

Le projet de Maire de nuit à New York, pour les anglophones : http://www.nydailynews.com/opinion/new-york-city-night-mayor-nourish-nightlife-industry-article-1.3256607

L’économie du savoir : http://www.oecd.org/fr/sti/sci-tech/leconomiefondeesurlesavoir.htm

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie_du_savoir

Creative Footprint : http://creative-footprint.org/

INAF : http://inaf.world/night-mayor/

https://www.facebook.com/INAFederation/

 

 

 


12/07/2017
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Tel Aviv - 1 nonstop city

Avant toute chose, qu’il est bon de revenir sur ce blog de voyage, lui donner vie à nouveau, reprendre aussi bien l’écriture que l’exploration de notre monde si vaste et fascinant. Trois années d’absence sur ce dernier et pourtant, quelques pays ont été fait entre temps : Maroc, Irlande, Belgique et aujourd’hui, Israël, pays pour lequel nous nous retrouvons. Mais le rythme de la vie est tel, pour chacun d’entre nous, que je me suis tenu éloigné du clavier pour de nombreuses raisons, certaines bonnes, d’autres moins légitimes.

Parmi les excellentes raisons, l’écriture de mon premier roman qui est encore en cours, et promis, je vous en reparlerai bien vite.

 

Mais tout d’abord, revenons à nos premiers amours, le voyage, ce frisson de découverte. Comme disait Saint Augustin : « Le monde est un livre, et ceux qui ne voyagent pas n’en lisent qu’une page », alors continuons notre lecture ensemble !

 

Tout d’abord un peu de contexte pour ce qui ne le connaissent pas. Ce voyage n’est pas réellement d’agrément, beaucoup le classeraient dans les voyages d’affaires. En vérité, je me rends à Tel-Aviv en compagnie de Christophe Vidal, mon ami et Maire de la nuit de Toulouse. Nous y sommes invités par le ministère des Affaires Etrangères israélien et le maire de Tel-Aviv pour assister au « Sommet International de la politique de la ville la nuit ». Christophe y est évidemment invité en qualité de Maire de la nuit de Toulouse et président de Toulouse Nocturne, tandis qu’il m’a fait l’immense honneur de m’y convier en qualité de responsable communication de Toulouse Nocturne.

 

Nous y passons donc 4 jours pleins en compagnie des délégations de huit autres maires de la nuit ou fonctions assimilées, à savoir : Berlin, Tokyo, Zurich, Amsterdam, Groningen, Nijmegen, Paris et Madrid. Le but du voyage est officiellement d’échanger sur ce que chacun réalise dans sa propre ville, les changements qu’il provoque, les difficultés qu’il rencontre, mais c’est aussi l’occasion de voir ce que Tel Aviv a à offrir sur le plan nocturne, ville réputée mondialement pour son dynamisme nocturne et culturel, une ville qui ne dort jamais !

 

 

Maintenant que le contexte est planté, venons-en à la question principale sur le plan personnel… est-ce que j’ai apprécié ce séjour ? Et bien tout d’abord, pour répondre avec honnêteté à cette question il faut prendre du recul, beaucoup de recul. Du recul car, en effet comment est-il possible de ne pas apprécier un tel séjour dans les conditions dans lesquelles nous l’avons vécu ? Nous avons été accueillis comme des rois, invités à débattre d’un sujet qui nous passionne. J’ai passé quelques jours avec des gens dont je partage les valeurs morales et la vision pour notre avenir, pour parler d’un sujet que nous aimons, et le tout dans un cadre où nous avons été choyés et dorlotés.

 

Pour mettre en perspective, le ministère des Affaires Etrangères a dépêché une berline qui nous attendait sur le tarmac à notre arrivée en avion. Pas de file d’attente, pas le même chemin que tout le monde, non, nous montons directement dans la berline qui nous amène à l’autre bout de l’aéroport pour passer les contrôles de sécurités. Le contrôle du passeport, qui lui est obligatoire, se fait en express en passant devant tout le monde guidé par notre chauffeur. Personnel attentionné, au petit soin, voilà le mot d’ordre sur tout le séjour. Notre agenda est au cordeau (probablement trop justement) et nous enchaînons les rencontres et les découvertes de lieux en rapport avec la nuit.

 

Pour bien comprendre, il faut bien admettre que si je vous emmène dans le meilleur restaurant festif de la ville, que c’est le propriétaire (pas le patron, j’ai dit le propriétaire…) qui vous accueille en vous prenant dans ses bras, que toutes vos consommations sont illimitées et gratuites, de la meilleure qualité, et que votre service est clairement prioritaire par rapport aux autres clients normaux… difficile de passer un mauvais moment non ?

 

Quelques couacs sont quand même présents notamment niveau organisation, toutes les découvertes ou visites ne sont pas très intéressantes ou à propos vis-à-vis de notre regard nocturne comme cette visite mercredi matin de la boutique du « meilleur » couturier de Tel Aviv. De toute façon, tout ce que nous voyons nous est présenté comme à minima le meilleur d’Israël, voir le meilleur du monde. Mais dans l’ensemble, tout est aux petits oignons même si on se plaint de notre côté de ce manque de liberté car nous sommes trop cadrés, le programme minuté, les discours léchés.

 

Mais ce qui apparaît comme un couac est en fait savamment orchestré et est, en tout point, une franche réussite.

 

En effet car, et ils ne s’en sont pas cachés… le but officieux n’est pas tant d’ouvrir le débat sur la vie nocturne, le but de cette opération, largement assumé par ailleurs tant dans les gestes que dans les paroles, c’est bien de nous charmer. Nous charmer car nous sommes prescripteurs, car nous portons une voix sur la nuit, et que si chacun de ces maires de nuit rentre en son pays scandant que Tel Aviv est la ville la plus dynamique, festive, et plaisante à vivre jamais explorée… et bien leur opération de marketing sera un succès.

 

Le monde change, les villes deviennent des sources d’attractions touristiques et culturelles plus grandes et importantes que les états. En témoigne les politiques actuelles menées par les mairies de Paris, Londres, Toulouse (qui n’a pas vu le spot TV institutionnel ?...), Berlin, etc. Dans cette compétition des métropoles, il est hors de question de laisser une longueur d’avance à une telle ou une telle.

 

Le marketing prime, la ville devient une multinationale aux codes de start up bouillonnante. Voilà le vrai contexte de notre venue. De plus, oserai-je soulever la question de pourquoi est-ce le ministère des Affaires Etrangères et pas celui du tourisme qui a organisé tout ceci ? Après tout, il y a un enjeu géopolitique majeur derrière mais ça… c’est une autre histoire.

 

Ensuite, une forme de paradoxe, de… dichotomie m’a frappé sur l’ensemble de la ville de Tel Aviv. Cette ville, de par son histoire est jeune, très jeune, ayant fêté son centenaire récemment. Cela se traduit par une architecture inspirée du style Bauhaus, ou dit « international ».

 

Autant le dire, la ville est très peu esthétique, des bâtiments froids, un sur deux est en ruine rappelant que nous sommes dans une région en guerre, aucun espace vert. Et pourtant, à côté se dressent çà et là des buildings de verre voués à l’esprit start-up de la ville, une créativité bouillonnante qui se ressent partout, dans chaque interaction. Cette cité flaire bon l’énergie, l’optimisme et le dynamisme.

 

Ce paradoxe est d’autant plus troublant que si l’extérieur des bâtiments est bien souvent laissé à l’abandon, pour rester correct, l’intérieur est toujours coloré et décoré avec goût. Que ce soit chez l’habitant, les restaurants ou autres, il est plaisant et choquant à la fois de pousser une porte en fer rouillée, plantée dans un mur décrépi, et de pénétrer dans un havre de paix. Ainsi les intérieurs sont souvent raffinés et délicats. Comme si les israéliens eux même se désintéressaient complètement des apparences pour se concentrer sur le « moi », ou sur le « chez moi ». Cela se traduit également dans leurs tenues, où l’homme d’affaire accompli sera vêtu d’un short, sandales et t-shirt informe, se riant du fait que je porte une chemise ou des chaussures habillées.

 

Et puis il y a Jérusalem, une journée seulement pour appréhender ce qu’elle a à offrir. Et si Tel-Aviv est jeune, la ville trois fois Sainte est très ancienne, si chargée d’histoire que cette émotion vous prend aux tripes quand vous la pénétrez. Bercés par les paroles passionnantes de notre guide dépêchée par le ministère, nous revivons l’histoire de cette ville, des guerres saintes, et de cette cohabitation des trois grandes religions monothéistes qui vouent un culte unanime et commun. Si Tel Aviv est la jeune, Jérusalem est l’ancienne. Si Tel Aviv est marquée par l’esprit de créativité, d’entreprise et l’absence de religion, Jérusalem est une ville de mémoire, d’Histoire avec un grand H, pour un peu moins de 4 milliards d’individus sur terre. L’une le pas dans l’avenir, l’autre le pas dans le passé, et ainsi avance en crabe l’Israël, jeune nation qui fera tout pour s’inscrire durablement dans le futur.

 

Je dis « fera tout » parce qu’en échangeant avec les locaux, quand j’ai demandé leurs sentiments sur la guerre israélo-palestinienne, voici leurs réponses : tout d’abord, il apparait que la jeune génération revendique ne souhaiter que la paix et être lassée de la guerre. De plus, il faut bien reconnaître que le service militaire obligatoire de 3 ans (2 pour les femmes) conditionne également leurs visions de la situation, où ils se sentent agressés. Je peux comprendre qu’il est difficile d’avoir le recul nécessaire pour décider qui est l’agresseur, quand le matin ou trois ans en arrière, vous subissiez un tir de rocket. Egalement, pour leurs ressentis, ils dénoncent que nos médias ne communiquent pas les bonnes informations, citant plusieurs exemples d’histoires détournées ou avec des détails d’importance manquants. Enfin, à la question « Que pensez-vous du monde qui n’est pas d’accord avec votre guerre et qui juge que la seule voie vers la paix est le dialogue », ils ont répondu :

 

1)      « Il est appréciable que le monde se soucie de nous, cela veut dire qu’au moins l’occident s’intéresse un peu à cette partie du monde… mais si vous n’y vivez pas, de quel droit jugez-vous ce qu’il s’y passe ? »

2)      « Vous avez vite oublié que les mêmes qui critiquent sont ceux-là même qui ont fait la seconde guerre mondiale, et que c’est la seconde guerre mondiale qui a créé et provoqué ce qu’il se passe aujourd’hui »

3)      « Parler du conflit en Israël j’ai l’impression que c’est « trendy » (branché en français) chez vous, en tout cas plus que de parler de la Syrie ou de la guerre au Congo qui font bien plus de morts que chez nous »

 

Ceci ne justifie rien à mes yeux, ni les morts ni les massacres. Et loin de moi l’idée de lancer un débat par ce billet d’humeur, chacun son opinion. Je constate cependant que comme bien souvent, les gens impliqués dans un conflit en ont une vision bien différente de ceux de l’extérieur, et qu’une nouvelle fois, seul le dialogue peut ramener à la raison des ressentiments séculaires.

 

Pour conclure, nous ressortons de là débordant d’énergie malgré un nombre d’heures de sommeil bien maigre vous vous en doutez, après tout on ne peut visiter une ville le jour ET la nuit tout en trouvant du temps pour dormir. Nous en ressortons aussi confiants pour l’avenir de nos cités, et cela donnera suite à un autre article qui traitera plus du fond que de mon ressenti, présentant les enjeux, les voies de développement et les challenges de nos cités bien aimées.

 

Merci ami lecteur, cela fait du bien de revenir aux premiers amours, et à très vite !

 

 


03/07/2017
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Poème Torres del Paine

Poème inspiré par la beauté des paysages de Torres del Paine:

 

 

Pas à pas j’arpente à l’ombre

Cette ode à la virginité

Dont seul sait l’initié

Jouir sans jeter l’opprobre.

Il s’y fredonne une mélodie

Pour l’auditeur aguerri :

D’une, l’oiseau et sa trille,

De deux, l’eau et son clapotis.

 

Ici je suis un intrus.

Spectateur privilégié

De cette beauté perdue,

J’observe le cœur léger

Ce glacier qui me domine.

Chili ou Argentine,

J’aurai été au bout du monde

Pour trouver une paix féconde.

 

Enfin je m’endors sur ces mots,

Les membres raides et transis

Se réfugiant vite au chaud

Face à la douceur de la nuit.

 

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28/12/2013
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Sydney - Punta Arenas

Sydney – Punta Arenas, un long voyage !

 

Buenas tardes à nos chers lecteurs ! Nous sommes vivants, et actuellement à l’aéroport de Santiago de Chile en partance pour Punta Arenas en Argentine !

 

Quand nous arriverons, cela fera 36 heures non stop que nous aurons été soit dans un aéroport soit dans un avion, depuis Sydney jusqu’à l’Argentine en passant d’abord par Auckland puis Santiago… le temps commence à être long et la fatigue se fait sentir.

 

L’Australie mérite sûrement un article et beaucoup d’attention car elle regorge de merveilles, mais au bout de 3 jours passés dans la ville de Sydney, nous n’avons certainement pas la prétention de pouvoir décrire ses habitants et sa beauté. Le peu que l’on puisse dire est que nous avons été bien accueilli, les australiens sont spontanément serviables et même soucieux de nous aider dans nos pérégrinations. Même si l’aéroport est un beau « bordel », un méli mélo sans organisation comparé à ce que nous avons vu ailleurs, c’est amplement rattrapé par la sympathie des locaux.

 

Et nous retiendrons Sydney pour avoir été clairement le plus bel endroit où nous avons dormi. En effet nous avons séjourner au Wesley College, dans des chambres relativement minimalistes (justifiant le faible tarif) mais le cadre était somptueux dans un magnifique style géorgien des grandes universités anglaises.

 

Enfin, nous voilà bientôt en terre argentine pour la seconde partie de notre périple, et il nous tarde ! A nous la Patagonie, les routes sans fins dans des paysages magnifiques, le nouvel an à Buenos Aires… et surtout l’Aventure avec un grand A.

 

Ce petit article a avant tout vocation à expliquer que nous donnerons peu de nouvelles pendant toute la durée de notre passage en Argentine, car justement, nous avons décidé de vivre l’aventure pleinement.

 

Notre objectif : durant 3 ou 4 semaines que nous passerons en Argentine, nous espérons louer un véhicule, dormir dans la tente et chasser/pêcher notre propre nourriture, en vrais aventuriers ! Nous avons le matériel, l’envie, et accompagnés de quelques réserves de sécurité, nous sommes persuadés que ce séjour sera des plus enrichissant !

 

Nous espérons pouvoir nous connecter de temps à autres afin de vous donner des nouvelles et mettre en ligne nos écrits/photos/vidéos.

 

A bientôt pour de nouvelles aventures !

 

Anecdote : Après avoir été systématiquement contrôlé dans chaque aéroport en Asie (semble t il que j’ai une tête d’origine arabe, que ma couleur de peau est inhabituelle, et que le nom de Santolaria attire la suspicion…), une anecdote supplémentaire s’est produite à Sydney :

 

Interpellation à la douane export, avec contrôle d’identité, fouille au corps, et on m’a demandé si j’avais fait de la prison récemment ou si j’étais recherché dans un quelconque pays… Notre théorie ? Vu la réaction systématique qu’entraine mon passeport, je dois avoir un homonyme recherché !

            


18/12/2013
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Hong Kong

Hong Kong, l’extravagante

 

Alors que notre marathon des destinations continue, nous nous envolons du Japon vers Hong Kong en passant par Shanghai. Et cet article ne saurait oublier de conter notre mésaventure sur la terre chinoise.

 

En effet, après un changement d’aéroport dans la précipitation et le chaos le plus total, nous avons enfin pu souffler en embarquant à bord du A321 de China Eastern Airline. Mais alors que les minutes passent et que je m’échine à écrire l’article sur le Japon, nous comprenons qu’il y a un problème. En regardant par le hublot, nous ne pouvons que constater la présence d’un brouillard épais, un brouillard de pollution si dense que nous ne voyons bientôt plus le bout de l’aile.

 

Le couperet tombe, le vol est soit disant « retardé » et on nous demande de ressortir de l’avion. Il est alors 20 heures. Bien vite, face à une foule qui va en s’énervant, la compagnie maintient le statut « retardé » et non « annulé », dans le but évident d’éviter de rembourser les passagers. Retardé… jusqu’au lendemain 9 heures, voilà une blague de bien mauvais goût alors qu’il est annoncé que la compagnie ne prendra en charge ni le repas ni l’hôtel.

 

La compagnie se montre ferme et se refuse à délivrer toute information ou aide, c’est alors que commence un très long jeu de patience, ou les passagers s’égrènent, se décourageant et partant à la recherche d’un hôtel. Plus qu’une centaine et il est déjà 23 heures, l’aéroport ordonne aux passagers restants d’évacuer le hall d’embarcation, et chose surprenante, un groupement se forme autour de quelques locaux protestataires et récalcitrants. Nous nous joignons à eux, à défaut de savoir quoi faire d’autres vu que l’argent nous fait défaut pour prendre un hôtel, et que nous planifions calmement de dormir ici même.

 

L’égrenage continu inlassablement, de plus en plus abandonnant, pris d’exaspération. Aux alentours de 2 heures du matin, nous ne sommes plus qu’une vingtaine, soudés autour du groupe chinois réfractaire, et nous sommes les seuls occidentaux. Mais les efforts et l’attente finissent par être payés, et nous voilà récompensés par une nuit d’hôtel gratuite, le transport inclus ainsi qu’une place sur le prochain vol.

 

C’est amusés, et parfaitement intégrés dans ce groupe très accueillant que nous nous rendons patiemment vers le bus, et sa destination. Comble du comique, nous n’arriverons à l’hôtel qu’à 3 heures du matin, où nous est servi un repas, et où nous constatons que c’est un hôtel 4 étoiles qui sera notre chambre d’une nuit. Le départ est fixé à 6 heures… et bien la nuit sera courte mais confortable !

 

 

Et c’est après ces péripéties ma foi bien amusantes, à constater l’avarice des compagnies low cost et la débrouillardise chinoise, que nous atterrissons sur le sol de Hong Kong, la croisée des chemins asiatiques.

 

 

Hong Kong est une ville exubérante, excessive dans tous ses aspects, elle nous a fasciné mais en même temps… dérangé. Nous n’avons pu nous délaisser d’un certain malaise dans chacunes de nos pérégrinations, non pas que la ville ne soit pas sécurisée et n’inspire pas une certaine confiance…

 

Non, il s’agit d’un réel malaise, notamment lié aux contrastes déroutants qu’il est possible de voir ici. Hong Kong défie la sociologie urbaine habituelle, des buildings de verre magnifiques et modernes sont mitoyens avec de vrais buildings ghettos qui semblent ne tenir debout que grâce aux tours qui les encadrent. L’impression rendue est comparable à un vieillard malade chez qui toute volonté de vivre semble avoir disparue tandis qu’il s’endort sur l’épaule d’un jeune cadre dynamique dans le métro.

 

Dans la rue, un cul de jatte fait la manche adossé à une Ferrari garée là avec nonchalance. Une opulente et impressionnante boutique de montres Rolex brille de milles feux et vomit son faste à grands renforts de lumières et dorures. Mais sur son perron, un indien vous aborde en vous proposant avec le plus bel aplomb toutes sortes de marchandises… une copie de Rolex, un costume à bas prix, ou en cas de refus, drogues, prostituées, jeunes et trop jeunes.

 

Ces contrastes et cette guerre du grandiose contre la misère sont omniprésents. Et ce qui est plus dérangeant encore, c’est la normalité qui s’en dégage. Hong Kong est une ville de chaos et de lumières, où les gens se marchent dessus et se bousculent sans y prêter attention, le regard rivé soit à leurs chaussures, soit sur les façades des grattes ciels et leurs publicités.

 

Les jeux de lumières ici sont superbes, exubérants, et les dépenses qui doivent en découler plus encore alors que tous les soirs se tient sur les berges une macro version de la fête des lumières de Lyon. Les buildings de chaque côté de la berge se renvoient des faisceaux lumineux en rythme avec une musique qui retentit partout, les lasers déchirant le ciel pour les yeux des milliers de personnes venus là boire un verre ou simplement découvrir le spectacle. Mêmes les ferrys, voguant avec paresse sur l’eau, sont raccords, alors qu’ils explosent de la même symphonie des lumières, le tout dans une harmonie méticuleuse qui ne laisse rien au hasard.

 

Et Hong Kong tout entière est à l’image de ce show de lumière, le métro lui même est une vision du future qui crie avec orgueil aux autres métros du monde entier d’entrer dans le XXIème siècle. Si celui de Tokyo dispose du réseau le plus complet et le plus impressionnant, celui de Hong Kong n’est pas avare en technologie, et installations ergonomiques qui font de son utilisation une projection vers l’avenir.

 

Mais au milieu de tout ce faste digne de la « Folie des grandeurs », il est surtout possible de faire du shopping pour une misère, de sortir, de boire et de s’amuser. Parce que Hong Kong c’est cela avant tout, une ville centre commercial le jour, et une Ibiza la nuit. Deux choses que nos portefeuilles en récession nous aurons fait vivre avec parcimonie et calcul.

 

Cependant, après un portrait aussi brute de cette ville faite de grandeur et de décadence, il serait injuste de ne pas parler de sa population et des gens que nous y avons cotoyé.

 

Nous y avons retrouvé deux amis rencontrés en Thailande avec qui nous avons passé deux soirées d’exceptions, à jouer aux fléchettes (bowling local, une activité très populaire et prise au « sérieux »), manger du serpent et beaucoup d’autres mets locaux ;  deux soirées à chanter en karaoké, à jouer aux dès ou à disserter sur le monde, nos différences et nos points communs.

 

Merci à Chai, Hong et sa femme Laura, ainsi qu’à Joy, merci d’avoir humanisé notre séjour dans cette ville comparable à la Rome antique d’après Jesus Christ : majestueuse, grande, opulente, et rongée par le vice et la décadence.


18/12/2013
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Tokyo - cité de l'ancien et du nouveau

Tokyo – Cité de l’ancien comme du nouveau

 

Je vous invite à suivre ce nouvel article sous la forme de rubriques ! En effet, il y a tant à raconter et décrire sur le Japon que je joins l’utile à l’agréable pour vous, alors rendez vous directement à la rubrique qui vous intrigue le plus !

 

J’ai tenté de synthétiser le plus grand nombre d’impressions, de sentiments et d’expériences qui ont caractérisé pour nous ce séjour très intense. Bonne lecture !

 

 

L’esthétisme

 

S’il faut savoir varier son langage et utiliser toute la richesse du vocabulaire français afin de mieux décrire ce que l’on ressent, il faut parfois aussi savoir utiliser les mots simples et justes. Et ici je parle du mot « beau ».

 

Le Japon est indéniablement et irrémédiablement beau, parce que sa population et sa culture a un sens réel de l’esthétisme. Il semble que la recherche de l’élégance et de la beauté se trouve ici partout, de l’architecture, jusque dans les tenues ou dans la façon de préparer la table. Chaque geste, chaque pensée se voue tout entier à l’esthétisme, comme un charme qui touche le Japon, le rendant subtil et raffiné pour l’œil.

 

Il est difficile de définir l’harmonie en question, elle ne se cache pas dans un détail, ou dans un fait, elle est omniprésente.

 

Par exemple, la mode ici est spontanée et universelle, pas un jeune homme ou une jeune fille ne s’habille avec précaution, soucieux de coller à l’image qu’il ou elle a souhaité véhiculer. Le jeu des couleurs, des formes et des textures ne s’arrête jamais, chacun l’adaptant selon son affiliation à un courant de pensée ou un autre. Ce goût exquis pour la mode est d’autant plus fort chez les moins de 40 ans, que beaucoup de personnes d’âges mûrs semblent en contradiction totale. En effet, beaucoup portent le costume intégral pour le travail, ici cette tenue tient de la religion, au point que même les personnes attribuées à la circulation en cas de travaux en sont affublées. Mais ils n’en maitrisent absolument pas les codes, pouvant porter une ceinture marron avec des chaussures noires, une cravate à pois sur une chemise à carreaux, ou encore une veste verte pour un pantalon marron.

 

Mais hormis cet écart lié à leur non maitrise de cette tenue, la mode est ici partout, du plus jeune à parfois un âge bien avancé. Et ce même amour du beau et du harmonieux se retrouve dans la décoration de chaque restaurant ou boutique. Pas besoin de se rendre chez Gucci ou un restaurant étoilé pour trouver du raffinement dans la décoration, que ce soit la devanture, la décoration intérieur ou dans le service. C’est peut être cela qui les définit le mieux, le raffinement tant même leurs gestes sont empreints d’une réserve délicate, comme mesurée.

 

Dans l’architecture, qu’elle soit moderne avec les gratte-ciels ou traditionnelle avec les édifices historiques qui pullulent, il est possible de retrouver la même grâce et le même raffinement. Les lignes sont fluides, les perspectives profondes, elles laissent le regard rêveur. C’est peut être leur rondeur ou la sérénité qui s’en dégage, mais l’ensemble de ces lignes tiennent plus de l’aquarelle que de l’élément réel.

 

A titre d’anecdote, dans l’avion du retour, nous avons rencontré un architecte allemand, venu passé 3 mois au Japon pour travailler et s’enrichir du style. Son sentiment de fascination frise chez lui l’adoration alors qu’il reconnaît que l’architecture japonaise est à la fois savante et belle dans ses grands ouvrages. Que rajouter pour un peuple capable de construire la Sky Tree (« Arbre Ciel »), la tour la plus haute du monde qui domine cette ville de lumière et semble réussir son pari de relier ciel et terre ? Peu de choses il semblerait, à part peut être que la propreté ici est méticuleuse, la ville épurée et les trottoirs sans aucun accros. Durant ces 10 jours où nous avons arpenté ces rues et avenues, nous n’avons trouvé aucun mégot, aucune crotte de chien et seulement un chewing-gum, sûrement perdu là.

 

 

Le marketing et la relation au commerce

 

N’en déplaisent à certains, il est aussi très instructif de voir comment un peuple commerce et met à disposition ses produits. Et si la majorité connaissent les publicités délurés des japonais, qui sont à mi chemin entre Charlie Chaplin, De Funès et un programme pour enfant, on entend moins souvent parler de leur relation au marketing et la façon de présenter le produit au consommateur. Ici, le constat est indéniable. Si la culture japonaise est immensément liée à la notion d’esthétisme,  ils ne maitrisent absolument pas la notion de marketing. En effet, dans un supermarché il sera possible de trouver les produits ménagers entre les livres et les sucreries occidentales, ou plus loin les fruits au milieu des fromages et de la charcuterie, le tout encadré par leur fameuse cuisine instantanée.

 

Quant au petit commerçant, après avoir développé une relation amicale avec un restaurateur, nous nous rendons compte à quel point l’idée d’offre exceptionnelle (carte de fidélité, une offre spéciale pendant 1 mois, etc…) leur est étrangère, tout comme la relation client. Par là, j’entends relation durable, le fait d’agir pour inciter le client à revenir, non pas une simple politesse qui chez eux frisent l’obséquiosité.

 

Autre chose surprenante, le produit est chez eux très intimement lié au prix, il est toujours affiché et mis en avant, même à la TV comme un argument martelé. Il semble qu’il s’agisse du premier critère de choix dans la majorité des cas.

 

Pour les férus de marketing (Oui Tom tu te reconnais !), la discussion est ouverte en directe sur d’autres supports pour développer.

 

 

La gastronomie

 

Voilà bien un point sur lequel le français moyen n’est pas dépaysé et ce n’est pas déplaisant ! Ici, l’art culinaire est central dans la culture, et la relation à la nourriture est omniprésente. Devantures, publicités, discussions, abondances de restaurants, le repas et la nourriture sont primordiaux ici, et c’est d’autant plus étonnant vu leur propension pour la cuisine instantanée, beaucoup plus adaptée à leur rythme de vie infernal (à voir en rubrique culture).

 

Mais même au milieu des étales de plats préparés, l’amour de la nourriture se ressent, et c’est agréable pour nos yeux et narines de gaulois. Et la cuisine japonaise est… proche d’un art, variée et diverse mais si riche en surprise par rapport à ce que nous avons découvert en Asie jusque là. Sûrement nos papilles  sont parties prises car déjà nous aimions ce que nous en connaissions. Mais l’art culinaire japonais est complexe et varié, très loin du stéréotype unique du sushi. Il est possible ici de se régaler en un repas de fête pour un « ramen » : sorte de bol qui contient des nouilles japonaises, des champignons, quelques oignons, de la viande de porc en rondelle juste grillée, des œufs de canard durs et marinés puis réfrigérés, une feuille croustillante d’algue, le tout baignant dans une soupe épaisse (particulièrement calorique, il faut l’avouer…). Mais le tout est simplement divin, les japonais en raffolent et on comprend pourquoi, tant le goût est riche (dans tout les sens du terme !) et le repas complet.

 

Par ailleurs, il est également possible de goûter le « guidon », bol de riz parfumé par dessus lequel sont disposées des lamelles de viandes fumées avec quelques épices. Là encore, les saveurs sont agréables, plus relevées mais aucunement dérangeantes, et un vrai régal après notre overdose de nouilles frites au poulet en Asie du Sud Est. S’ajoutent à cela les sushis, les plats entiers de viandes que le client grille lui même, les assortiments de légumes marinés de diverses épices, ou tout l’art culinaire (bien plus varié que le simple sashimi) qui tourne autour du très connu Fugu (poisson mortel si mal cuisiné). Sur ce dernier, c’est la déception qui nous a touché tant nous nous attendions à un goût plus prononcé mais peut être nos papilles gustatives occidentales sont incapables d’en détecter le raffinement.

 

Même la cuisine instantanée ici n’est pas en reste niveau saveurs. Il semble bien qu’il soit important que le repas, même si pratique, puisse être varié et satisfaisant en goût.

 

Et cerise sur le gâteau, nous aurons même pu manger le si espéré et désiré fromage français qui nous manque tant. Quelques parts d’un fromage industriel de piètre qualité et pourtant nos papilles se sont délectées de ce lait fermenté.

 

 

La culture du travail

 

Au risque de renforcer certains aprioris, l’habitant de Tokyo n’a pas de vie, beaucoup travaillant de 10 à 12 heures par jour, avec un minimum de 2 heures dans les transports en commun. Certains chanceux ont le dimanche, mais un certain nombre ne dispose que d’une demi journée de repos. Le rythme semble infernal, trop soutenu à tel point que beaucoup rattrapent le manque de sommeil dans le métro, ou à ce qui est dit… au travail.

 

Ainsi, il semble que le choix de la quantité soit fait, peut être au détriment de la qualité, mais très certainement au détriment d’un épanouissement personnel puisque très peu s’offrent le loisir d’une activité après le travail par manque de temps. Le manque de sommeil est évident chez eux tandis que les supermarchés débordent de boissons renforcées en vitamines, avec des dosages similaires à ce qui se trouve dans les pharmacies françaises.

 

Le résultat est attristant, beaucoup de personnes dépassant les 50 ans sont dans un état alarmant, pliés en deux suite à des problèmes de dos, ou les membres tremblants d’une faiblesse qui n’a plus rien de passagère.

 

Il paraît évident que ce système montre ses limites, la quantité de travail ne permettant pas un gain d’efficacité alors que eux même reconnaissent ne pas avoir de rentabilité horaire. Et ce phénomène est d’autant plus perturbant que la grande majorité des seniors se voient obligés de travailler pour survivre s’ils ne veulent pas être un fardeau pour la jeunesse, et ce quelque soit l’âge et l’état physique.

 

 

Les transports

 

Puisqu’on parle des transports et de l’importance des transports dans la vie de Tokyo et de ses habitants… il est incontournable de parler du réseau de transports en commun de cette ville. Clairement le plus complet et le mieux desservi de notre expérience actuelle. Un réseau tentaculaire qui permet avec une facilité surprenante de rejoindre n’importe quel point de Tokyo et de sa région. Certains se plaignent de la complexité de ce réseau, mais il est en réalité assez facile à maitriser pour peu de regarder une carte en anglais (présente à chaque station) et de comprendre certaines mécaniques, et la multiplicité des compagnies de transports qui chacune ajoute sa participation pour desservir au mieux la capitale.

 

La carte de Tokyo est en réalité une toile d’araignée dont le centre est le palais royal, les circonvolutions sont des lignes de métros partagées en deux compagnies entremêlées. Les perpendiculaires proches du centre sont une forme de train citadin que possède une énième entreprise, tandis que les perpendiculaires externes vers la banlieue et la campagne sont elles aussi tributaire d’une autre compagnie de train, plus rapide. L’ensemble est parfaitement coordonné avec la possibilité de payer un billet unique qui marche dans chaque station et avec chaque entreprise, disposant d’un système de prix non pas au trajet comme en France, mais à la distance parcourus.

 

 

Les gens

 

Voici bien un sujet passionnant et intéressant sur la population japonaise. Très tôt dans notre séjours nous avons pu rencontrer quelques personnes locales, notamment Take, quadragénaire patron de son entreprise de conseil, avec qui nous avons pu manger et passer une soirée à disserter sur le monde et les différences culturelles.

 

Nous avons également fait la rencontre d’un guide gratuit au siège du gouvernement de Tokyo, qui, non content de faire son travail et nous cultiver de son savoir, a également débordé sur ses horaires pour passer du temps avec nous. La discussion aura été très enrichissante sur l’histoire du Japon, son gouvernement, mais aussi l’architecture ou bien la comparaison entre Opéra et Kabuki (forme de théâtre burlesque japonais, incompréhensible d’eux même comme l’Opéra peut souvent l’être pour nous autres européens). En conclusion, ces 3 heures de bavardages auront été un régal et par bien des égards, mutuellement enrichissantes !

 

Nous avons également fait la connaissance de Masahiko, le tenancier d’un restaurant de « ramen » (voir rubrique cuisine) âgé seulement de 25 ans. Son amour de la France, comme beaucoup de ses compatriotes, a dès le début était un excellent tremplin pour une relation durable et qui aura illuminé ces dix jours au pays du soleil levant. Bien que son anglais tienne plus du baragouinage que du dialogue, à nouveau comme la plupart de ses compatriotes, nous avons découvert au travers de Masahiko le vrai cœur du Japon.

 

Un peuple ouvert, résolument gentil et porté sur l’hospitalité, voilà ce que nous avons vu et avons apprécié découvrir. Le rire chez eux est primordial, il accompagne chaque instant, et chaque seconde ne mérite d’être vécue que le sourire aux lèvres. Cette sagesse face au stress de la vie qu’ils mènent est rafraîchissante mais également pleine d’enseignements. Après tout, quel coût pour un sourire ?

 

Masahiko nous aura emmené au travers tout Tokyo, auprès de ses amis, comme de sa famille chez qui nous avons séjourné. Et au delà des barrières de l’âge et de la langue, nous avons découvert cette même hospitalité et bienveillance chez les plus âgés, que ce soit les parents de Masahiko ou le personnel du petit hôtel particulier dans lequel nous dormions la majorité du temps.

 

Ainsi le sourire japonais et sa politesse (voir rubrique politesse) ne sont pas seulement des façades, mais des éléments révélateurs d’une philosophie de vie qui, sans ressembler à l’hospitalité latine, exubérante et démonstrative, est pleine de sagesse et d’élégance.

 

 

La politesse

 

Si la politesse est en Europe un savoir vivre, parfois trop rare, au Japon elle est un automatisme pieu. Pieu parce qu’elle frise le fanatisme tant elle est obséquieuse et systématique. Au risque d’utiliser l’expression orale consacrée, il faut le voir pour le croire.

 

Il est possible ici de se lancer dans jeu de patience avec n’importe quel vendeur, et vous perdrez systématiquement. Le vendeur, serveur, ou passant dans la rue vous dira merci, quand vous y répondrez par merci, un autre merci vous répondra, et ce jeu peut être infini particulièrement dans un établissement traditionnel. Chacune de ces réponses patientes est faite avec le même ton poli, respectueux, accompagnée d’une inclinaison du buste.

 

Sur bien des aspects, cette politesse à outrance est un des éléments fondateurs de l’immersion dans cet univers un peu magique du Japon. Si on peut passer que cela peut être lassant ou perturbant, il n’en est rien car l’honnêteté du geste ne laisse aucun doute. Et c’est là toute la beauté de la chose car cette politesse est spontanée et bienveillante plus que commerciale ou intéressée.

 

Mais, car il y a toujours un mais, il faut reconnaître que cette politesse maladive entraine un certain nombre de complication dans les relations, professionnelles comme privées. La non capacité à dire non peut provoquer certains malaises dans les discussions, et réclame une vraie adaptation, qui demande beaucoup d’empathie, ce qui au final ne fait qu’enrichir la relation si l’effort est fait.

 

A titre d’exemple, voici un fait réel : Au japon il est parfaitement toléré de négocier avec un marchand (hors contexte de supermarchés et chaines). Il est donc possible de largement baisser le prix et de « jouer » avec le commerçant. Si le prix annoncé est de 100, il est par exemple envisageable d’atteindre un prix de 60. Cependant, il est de coutume au Japon de payer 60 le produit, mais de céder la différence (donc 40 négocié) au marchand pour que celui ci boive une bière ou du saké en notre hommage une fois sa journée finie. Malgré la négociation, le prix payé reste donc inchangé, toujours de 100, mais la valeur morale qu’il représente change. Ceci est révélateur de leur relation à la politesse et la bienveillance, et si pour notre esprit occidental, l’intérêt de négocier n’est pas évident, il s’agit bien simplement de faire plaisir et de penser au bien être de l’autre, sans contre partie.

 

 

Le lavage de cerveau américain

 

Voici un sujet qui me tient particulièrement à cœur, parce qu’il est le point noir de ce séjour au Japon. Au cours de nos diverses discussions avec plusieurs personnes, de divers horizons culturels et milieux sociaux, de 20 à 40 ans et plus, il nous est apparu une réalité affligeante et bien triste.

 

La jeunesse de ce pays se fiche de sa culture traditionnelle, ne la connaît pas et ne veut pas la connaître. Ici, on ne trouve aucun amour du drapeau, de l’Empereur (assimilé à une vulgaire star), de l’histoire du pays, et de son patrimoine culturel. A tel point que la chose en devient choquante, ils ont une piètre opinion de leur pays, le jugent bien en retrait du reste du monde, et ne suivent que le modèle américain. Nous avons trouvé triste et profondément perturbant d’entendre dire que les jeunes n’interviendraient pas pour sauver leur Empereur si celui-ci était attaqué dans la rue, ce qui ne serait jamais le cas en Angleterre ou en Espagne comme nous connaissons. L’ensemble de leur culture traditionnelle et historique est rejeté en bloc, seul compte l’après guerre et le bombardement intensif de la culture américaine qui a eu lieu depuis.

 

Il est d’autant plus choquant de découvrir qu’aucune rancune n’est ressentie par rapport aux deux bombes nucléaires, et même, une certaine reconnaissance. La reconnaissance d’avoir le Hip Hop, Mcdo, et le rock américain. L’Amérique ne représente pas pour eux la nation qui contrôle leur armée, leurs banques et leurs décisions diplomatiques, elle représente seulement le salut par une culture qu’ils jugent meilleure que la leur… et c’est là notre déception et notre incompréhension, alors que notre voyage à Tokyo nous aura fait découvrir tant de richesse et de diversité culturelle.

 

Voilà notre sentiment à la fin de cette aventure… inquiétude et doute sur le devenir de cette belle nation. Nous espérons que la jeunesse que nous avons rencontré saura se rendre compte de la richesse de ce pays, et la protéger en s’affranchissant du grand frère envahissant que sont les U.S.A.

 

 

La technologie

 

La technologie japonaise est souvent vantée et mise en avant pour son innovation et son avant gardisme, et en bons férus de technologie nous voulions le voir de nos yeux.

 

En réalité, le constat est plus complexe que de dire qu’ils sont en avance de 10 ans. D’un point de vue factuel, il n’y a ici aucun brevet technologique que nous n’ayons pas (ou si peu), aucune avancée révolutionnaire. Le vrai fossé, parce qu’il y en a un, vient en réalité de leur culture de la technologie. Elle est omniprésente, universelle et dans chaque tête, que l’individu ait 20 ans ou bien 60.

 

Ils ne conçoivent leur vie quotidienne que grâce et au travers de la technologie. Elle accompagne chacun de leurs instants, de 10 à 70 ans ils se promènent des écouteurs dans les oreilles pour peu qu’ils marchent seuls, les assiettes de sushis sont décomptées numériquement et dans nombres de restaurants la commande se fait par un guichet automatique. L’ensemble de ces éléments, sans être individuellement révolutionnaire plonge le touriste dans cet impression de futurisme à la fois terrifiant et enivrant, comme projeté dans un roman de science fiction.

 

Le jeux vidéo et la place qu’il occupe dans leur culture aide également fortement à ce sentiment, de gigantesques salles d’arcades étant présentes dans tous les quartiers pour permettre aux habitants de se vider la tête le soir venu.

 

Âmes sensibles s’abstenir : Comble de leur relation à la technologie, les urinoirs sont également des jeux vidéos dans ces établissements, où la précision, la puissance et l’endurance permettre de remporter la partie. D’un certain point de vue, c’est une façon ingénieuse de pousser à la consommation de bière japonaise qui est vendue à chaque étage de ces multiplex.

 

 

Conclusion

 

Le Japon est une destination raffinée, baignée de magie qui ne peut que fasciner l’étranger en visite. Par son architecture, ses rituels, mais surtout son exceptionnelle population, nous ne sommes absolument pas déçus et même, encore rêveurs des expériences que nous avons vécu ici. Il nous apparaît évident que nous serions honorés si nos nouveaux amis venaient un jours à se rendre en France, et que nous les accueillerions avec la volonté de faire montre d’autant de gentillesse et d’hospitalité qu’il a été fait pour nous.

 

Mais le Japon et son système moderne montre des problèmes à remplir la mission première : épanouir sa population. Bien que fascinant à bien des égards, un avis très personnel est que ce système montre des limites, et qu’il est par conséquent doublement dommage que la jeunesse, et donc le futur de ce pays, oublie son passé pour ne s’intéresser qu’à cet avenir robotisé et aseptisé.

 


07/12/2013
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Le peuple Thaï

Il est vrai que le rythme des articles me semble moi même affligeant tant j’écris peu… mais la faute à l’absence d’histoires à raconter. Un bon conteur c’est avant tout une bonne histoire, et la Thaïlande, même si magnifique sur bien des aspects, nous apparaît décevante principalement du fait de sa relation symbiotique avec le tourisme.

 

Loin de moi l’idée de dire qu’ici nous ne vivons pas des moments uniques, pour beaucoup remplis de magie comme la visite du palais du roi à Lop Buri, où nous avons eu la chance d’errer librement. Nous y avons clairement trouvé une quiétude d’autant plus surprenante qu’au milieu de ruines multi centenaires, notre seule compagnie était le silence. L’endroit était désert, et hormis nos pas, nous n’avons pas trouvé signe de vie autres qu’un timide chat sauvage et un majestueux cerisier en fleur. Ou encore, comme moment unique, les relations que nous avons pu tisser avec les locaux de Phuket, à proximité de la plage de Patong

 

Non, ces moments sont magiques mais trop rares, car le pays gangrène sa propre richesse culturelle pour les yeux du touriste. Le tourisme en Thaïlande, même si les exportations de biens industriels restent le cœur de l’économie, pèse pour près de 10% du PIB, ce qui est assez unique au monde, et caractéristique de ce pays.

 

Pour donner une image de l’importance accordée par le gouvernement au tourisme en Thaïlande : suite au tsunami en 2004, l’économie s’est centrée sur la réparation des zones sinistrées à tel point que dès l’année suivante, la Thaïlande battait un nouveau record d’affluence. Et chaque année depuis 2005, un nouveau record a été battu.

 

Mais ce qui est intéressant, ce n’est pas la place du tourisme dans l’économie mais la place qu’il occupe dans la mentalité de la population. En effet, la France reste la première destination mondiale du tourisme avec ses quelques 83 millions de visiteurs en 2012, loin devant le second (U.S.A. avec 63 millions), et plus loin encore de la Thaïlande, 15ème destination mondiale avec ses 20 millions de visiteurs. Mais cette première place du coq ne m’a jamais semblé pervertir la culture française ou notre relation au touriste, ou du moins cela reste incomparable avec ce qui peut être vu ici.

 

Le comportement unique du thaïlandais face au touriste vient d’autre chose, plus sociétale et sociologique que simplement le succès économique.

 

Déjà, le type de touriste qui a été favorisé par le gouvernement en place dès les années 70. La Thaïlande dispose d’une telle richesse et diversité naturelle ainsi que culturelle avec ses temples, monuments et lieux de cultes, qu’elle n’a pas à rougir une fois comparée à l’ancien continent. Mais pourtant, le cœur de l’économie touristique ici a été centré autour des stations balnéaires, et au développement économique des villes récréations telles que Phuket et Pattaya, qui sont les destinations les plus populaires du pays. La législation originelle sur la prostitution, trop souple, ajoutée à un imaginaire commun sur les vertus de la femme thaï, notamment renforcées par le vécu des G.I. américains, ont favorisé l’apparition d’un cercle vicieux. Ce cercle vicieux, c’est le développement d’une nouvelle forme de tourisme dont le pays est aujourd’hui le leader mondial : le tourisme sexuel.

 

Aujourd’hui, la législation ne cesse de se durcir et de tenter d’endiguer le problème, mais l’avenir ne semble pas pour autant joyeux tant il est difficile de stopper une machine dont tant de personnes sont dépendantes, et où tant d’argent est brassé. Sauf que dans un pays qui est le seul au monde à voir sa population baisser à cause du SIDA, cela devient une vraie problématique majeure.

 

Cependant, cet article ne traite pas de la prostitution en Thaïlande, elle n’est, de ce que j’en ai vu, qu’une des sources de la relation profondément pervertie entre le local et le touriste. Si vous voulez en savoir plus sur la prostitution, ses raisons et son impact néfaste, je vous conseille cet excellent article : http://teoros.revues.org/1822

 

Revenons aux propos, notre visite en Thaïlande est entachée de déception parce que le tourisme ici est omniprésent, un vrai virus qui contamine toute tentative de sortir du cadre et découvrir réellement ce pays et son peuple. Voilà notre vécu, et cette sensation a plus d’une cause racine.

 

Nous avons donc en première raison l’importance du tourisme qui s’axe autour du divertissement du tourisme occidental et asiatique (étonnement le premier client de cette débauche). La deuxième raison pour moi est plus conjoncturelle, intrinsèquement liée à la royauté.

 The-Many-Faces-of-the-Thai-Songkran-Festival-1.jpg

Ici, les photos du couple royales sont omniprésentes, jetées à la figure du local comme du touriste avec abus, elles sont obligatoires dans tout établissement commercial, et administratif, et même dans les foyers il semble qu’il s’agisse d’une règle tacite. Pourtant la présence croissante de rebelles aux frontières nord et est, ainsi que les soubresauts des mouvements de manifestations qui apparaissent depuis quelques années, démontrent un raz le bol vis à vis de ce formatage. Pis, ce qui nous apparaît comme de plus en plus évident, c’est l’endoctrinement qui est fait du peuple thaï qui, de l’avis des quelques érudits que nous avons rencontré, considère le touriste comme un imbécile oisif, une poule aux œufs d’or sans la moindre jugeote.

 

Evidemment, ce postulat qui semble martelé depuis la petite enfance jusqu’à l’âge adulte, pervertit l’opinion qu’a le peuple thaï des visiteurs. Ainsi, il est même surprenant de constater que c’est la population la plus pauvre et la plus exposée au tourisme, celle qui côtoie tout les jours l’étranger, qui semble la plus ouverte d’esprit et apte à sortir de cette vision généralisée. Cette opinion publique ne fait que se renforcer à mesure que le tourisme sexuel s’épanouit et enrichit la population, et que le gouvernement fait publicité des problèmes que cela engendre alors que lui même le favorisait 20 ans en arrière.

 

Cet endoctrinement trouve sa cause, mais devient aussi conséquence du paradoxe thaï avec la langue anglaise.

 

Pour un pays où le tourisme est si important, si omniprésent, il m’apparaît étonnant voir déroutant que la langue de Shakespeare soit si peu maitrisée par la population, et de manière aussi généralisée comme s’il s’agissait d’une norme. En creusant, on découvre que le souci vient évidemment de la politique nationale sur l’éducation qui, bien qu’elle ait évoluée dernièrement, reste encore fortement allergique à l’anglais sur les bancs de l’école. On retrouve ici la volonté du gouvernement de ne voir le touriste que comme du bétail et non un partenaire du développement, et je pense que c’est ceci la vraie racine du malaise que nous ressentons ici.

 

Si vous voulez approfondir le sujet de l’éducation, je vous conseille cet excellent article : http://www.courrierinternational.com/article/2013/01/03/mauvaise-note-pour-le-systeme-educatif

 

En conclusion, le tourisme est par définition un échange, c’est en tout cas ce que nous avons toujours pensé et ce que nous continuons de penser. Et voici le problème de la Thaïlande, le tourisme n’est pas un échange pour son gouvernement, il est un puits économique dans lequel tirer les ressources pour développer le pays, sans céder à la contre partie qu’il entraine, l’ouverture sur le reste du monde. Et on constate ici qu’en n’instruisant pas sa population à s’ouvrir à d’autres vérités (grâce aux langues), il devient plus simple d’en contrôler l’opinion. Alors sans parler de dictature ou de manipulation, il semble bien ici que le visage du couple royal nous aura suivi durant tout ce mois passé ici, l’œil protectionniste mais avide par dessus notre épaule. Nous aurons croisé ce regard dans la plupart de nos rencontres thaïlandaises, et il semble bien que cela ait été la source de notre gène.

 

C’est cela notre malaise avec la Thaïlande, nous avons choisi de faire un tour du monde axé sur l’être humain, sur l’échange avec les cultures locales parce que c’est ce qui nous plait, nous fait vibrer, nous anime. Et ici, la relation part perdante car pré-écrite à des seules vues commerciales, qui lui donne ce goût amer et particulièrement désagréable, comme décourageante. Mais il arrive aussi qu’elle n’en soit que plus joyeuse encore quand la glace se brise. Encore une fois, la Thaïlande est un pays magnifique, mais il me semble qu’elle n’a pas conscience elle même de ce qu’elle a à offrir. Elle se prive tout autant qu’elle prive le reste du monde d’un enrichissement mutuel qui, bien manié, lui permettrait d’associer traditions et développement.

 

Et c’est justement cette capacité à allier l’ancien avec le nouveau que nous espérons trouver dans un pays de traditions ancestrales et de technologies futuristes : Le Japon, notre prochaine destination !

 


25/11/2013
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Une journée à Phuket

Une journée à Phuket

 

La chaleur s’abat ici avec une efficacité presque fatale. Un sentiment d’inéluctabilité est omniprésent alors que la lumière du soleil déchire et fragmente le ciel, les nuages ne procurant que plus de relief à l’immensité orange et bleu.

 

Et pourtant la luminosité perce au travers de ces rideaux fins et grossiers. La lumière envahit la pièce, l’inonde, l’immerge avec une générosité presque outrageante. Ce même rayon se propage et lèche les visages endormis des deux voyageurs. Sylvain, comme à son habitude se réfugie sous les couettes et se tourne en chien de fusil, réfractaire à un réveil si violent alors que la nuit fut si courte. Guillaume, quant à lui, maudit son aversion pour les coussins, souhaitant que le sien se dresse en protecteur de la lumière plutôt que jeté avec chaos à quelques mètres de là.

 

La nuit aura été courte, et le réveil d’autant plus difficile, mais en un pays où la température atteint les 35 degrés à 9 heures du matin, il ne saurait en être autrement. Rapidement la musique, comme fédérateur, retentit ; c’est d’abord Damien Saez qui accompagne l’éveil du duo, résonnant de son ton engagé avant que Orelsan ne prenne le relais, scandant son adieu à l’auditeur tandis que Morphée relâche ses otages. La mélodie fait son œuvre et les esprits émergent dans une moiteur pesante, la climatisation coupée suite aux souhaits de Sylvain.

 

Il est 11h, et les deux esprits embrumés saisissent difficilement l’écoulement inlassable du temps alors que tout deux s’en sont déconnectés avec une ferveur frisant l’obstination. Sylvain, comme toujours, est le premier à activer ses fonctions vitales, cherchant quelques énergies restantes dans les rappels à la réalité qu’il trouve sur internet. La France est qualifiée pour le Brésil, le gouvernement français est en difficulté, et une femme a réussi à accoucher au sein des décombres des Philippines suite au Typhon Haiyan, le monde semble suivre son cours, et la vie avec contre toute attente. Guillaume rejoint finalement la réalité dans une brume opaque, de ces incertitudes lascives qui accompagnent les lendemains de fêtes.

 

C’est une nouvelle journée de découverte et de tour du monde qui s’offre à eux. Et elle commencera de la même manière que les précédentes, Sylvain forçant sur une série d’abdominaux alors qu’il vilipende Guillaume de se lever. La musique les berçant avec l’amour de la mère qui leur manque, tandis que Sylvain se précipite enfin à la douche, souhaitant vivre le réveil chaleureux de l’eau chaude sur sa peau. Dans le même temps, son compagnon de voyage émerge finalement, se vouant lui même à respecter ses engagements alors qu’il place ses propres écouteurs dans le creux de ses oreilles. Il s’attèle lui même à quelques exercices physiques rituels journaliers, déplaisant mais avoisinant l’automatisme maintenant après un mois et demi de tour du monde. C’est au prix de quelques gouttes de sueurs que le réveil de l’esprit se fait pour tout deux, et une demi heure plus tard, c’est à grand renfort de cris que Sylvain clame sa faim alors que Guillaume finit sa douche glacée.

 

Tout juste le loisir de s’habiller, et une nouvelle journée commence. Il y a un restaurant au coin de la rue, un havre de paix pour quelques locaux mais surtout de nombreux russes en villégiatures et consommations outrageuses. C’est là que notre duo d’aventurier avait l’habitude de se rendre matin et soir avant l’excursion des jours précédents. C’est tout logiquement que leurs pas les guident là bas, l’appétit les animant. Ils sont reçus par de larges sourires alors que leurs facies inhabituels sont rapidement reconnus.

 

Immédiatement, les anciens rituels reviennent alors qu’ils baragouinent un thaïlandais approximatif, mais l’effort semble si remarquable dans cette cité du tourisme que le comportement des serveurs change immédiatement, plus cordial et spontané malgré la barrière de la langue. En effet, ceux ci parlant plus le russe que l’anglais, semblent des plus heureux et réagissent avec un bonheur communicatif à l’effort des deux français. Un simple effort brisant la glace naturelle entre les peuples, les deux aventuriers retrouvent leurs statuts privilégiés d’il y a une semaine, les regards complices ou amicaux fusant dans une bonne ambiance générale alors que la table habituelle des deux leur est toute désignée.

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De vieux tubes résonnent dans les enceintes usées du restaurant, mais cela ne gâche en rien l’ambiance soudainement plus détendue  alors que les serveurs en surnombre semblent ravis de s’activer pour satisfaire ceux qui sont devenus des habitués bien amicaux. Quelques rires malgré les difficultés de la langue sont échangés et deux jus de fruits sont commandés en plus des deux nouvelles expériences culinaires, alors que les deux aventuriers ne cessent d’explorer l’étendue de la carte offerte à eux. Il semble bon de se sentir chez soi, et il peut arriver que cela soit dans un endroit bien surprenant comme ce petit restaurant dans lequel la notion d’hospitalité prend un nouveau sens.

 

Au moment de payer l’addition, il ne s’agit plus d’un simple acte marchand, mais d’un vrai échange de sourires et la promesse de se retrouver le soir même. Sylvain et Guillaume laissent leur pas les porter vers la plage, cette immensité paradisiaque, à laquelle même le tourisme n’aura pas réussi à ravir les charmes. Le sable s’étend, le soleil s’engageant une danse lumineuse avec les vagues, produisant le plus bel effet, en un enchantement qui ne saurait être perverti par l’utilisation abusive des commerces et de l’occidental en recherche de détente.

 

Une simple après midi de relaxation, allongés dans le sable, attend nos compères, l’oreille bercée par les vagues et les cris des vacanciers. Et pourtant, rien ne les trouble tant les souvenirs de la veille les rappellent à une réalité brute mais unique : bonheur est une notion qui ne s’explique pas, ne se conte pas, elle se vit. La soirée aura été riche en rencontres, en rires, en musiques et en échanges dont l’authenticité n’a de valeurs que dans l’innocence avec laquelle cela aura été vécu.

 

C’est avec cette bonhommie presque naïve, transie, que les deux français observent ce qui les entoure, l’œil brillant de cette soif de voir plus, de découvrir et de partager. Ici et là, des couples aux nationalités multiples s’étendent, comparant leurs mœurs et limites sociales, alors que plus loin un atelier de parachute ascensionnel tracté par bateau fait fureur. Les occidentaux se précipitant pour ces deux minutes de sensations, tandis que le vrai spectacle réside dans l’aisance aérienne des locaux. En effet, à chaque envolée, un acrobate se joint à la seule force des bras au parachute, se hissant avec l’aisance d’un chimpanzé entre les cordages pour se jucher d’un coup de rein sur la plus haute des cordes, dominant la crique avec une expression enfantine peinte sur le visage. Aucun d’eux ne semblent se lasser d’un tel spectacle, et même si ce labeur est discréditant pour eux, la magie de l’instant paraît laver l’affront de la servitude tant la sensation paraît magique. Tous les envient et ils sont clairement les meilleurs commerciaux de leurs activités, défiant outrageusement la notion de liberté alors qu’ils conquièrent le ciel dans un équilibrisme surprenant. L’envol en lui même résonne comme un hymne unique, criant qu’ils sont libres alors même qu’ils courent après  ce petit garçon solidement harnaché dans son parachute, le hors-bord tractant avec violence son équipage improvisé. Et c’est bien à la force seule du biceps que le local saute et se rattrape à cet ovni filant, se hissant parmi les cordages. La grâce a de multiples visages, elle en trouve son expression aérienne ici.

 

C’est avec la fascination qu’impose un tel spectacle que les aventuriers s’éternisent jusqu’au coucher du soleil. Après tout, n’ont ils pas mérité quelques heures de repos suite à tant d’aventures ?

 

Mais leurs pas les guident à nouveau vers le restaurant de leurs cœurs après une brève étape douche à l’hôtel. L’ambiance change avec le succès de l’établissement une fois la nuit tombée. Ils prennent quelques cocktails et s’amusent de l’effervescence alcoolisée des cousins moscovites, alors que même la carte ici est traduite en russe plutôt qu’en anglais. Ce sera un Tequila Sunrise pour Guillaume, et un MaiTai pour Sylvain, les couleurs correspondantes si bien à la palette de couleurs offertes par le paradis de Phuket.

 

Les rencontres et les échanges commencent, les russes soucieux de leur image crachant leurs monnaies sonnantes et trébuchantes avec un flegme perturbant, achetant homard et fruits de mers avec orgueil. Pourtant, cet étalage de richesse ne semble rendre les deux français que plus sympathiques tant ils se soucient du bien être des serveurs, en échangeant avec eux et en faisant l’effort de pratiquer leur langue. C’est dans cet état de grâce grisant que les aventuriers sont servis, le sourire béat de VIP à bas prix, de stars qui n’ont pourtant rien fait pour mériter autant de reconnaissance spontanée. Le repas s’annonce épicé, et les cocktails s’harmonisent aux rires, annonçant une nouvelle soirée simple et spontanée.

 

Avant leur départ de Phuket, une semaine auparavant, en direction de Koh Phangan et Koh Samui, le duo avait eu l’occasion de découvrir un excellent bar musical perdu au milieu des clubs, ou autres établissements douteux qui pullulent sur la station balnéaire. Et c’est là que leur pas les guident à nouveau, se laissant porter par la musique comme un chant de sirène obsédant, le videur leur offrant commercialement une place juste en face de la scène.

 

C’est alors qu’une de ces soirées de pure extase sonore commence, de ces soirées où les voix des chanteurs et la mélodie de la guitare sèche vous porte, vous transcendent. Les yeux se ferment, les têtes hochant au rythme du percussionniste qui s’excite sur son tabouret rudimentaire, un simple micro amplifiant son œuvre. Les grands classiques du rock et de la folk sont revus, et le duo accompagne sa soirée de quelques cocktails choisis avec goûts au milieu de cet océan de ce que le touriste appelle « bucket » (« seau » en français, un seau d’enfant rempli de mélanges de soda et de liqueurs, très populaires ici).

 

L’hymne de la soirée est la musique, la même mélodie animant une salle entière qui se laisse porter par le talent abrupte mais si charmant du groupe atypique qui occupe la scène. Le guitariste est caché derrière la scène de bois, le chanteur masculin et la chanteuse féminine se partageant l’affiche tandis que leur chanteur de chœur et percussionniste se contente d’une caisse de bois rudimentaire. Mais le résultat n’en reste pas moins charmeur et authentique, comme si chaque personne présente dans cette salle peu éclairée partageait le même goût pour une musique pure et simple.

 

Les nationalités se mélangent, les différences culturelles s’effacent tandis que des heures durant, une seule vérité fait surface : la musique est un langage universelle, dont le pouvoir n’a qu’une raison d’être, celui de ramener l’être humain à sa seule capacité de ressentir des émotions. Ce sont ces émotions qui font de nous des êtres à la fois si uniques mais pourtant si semblables, capables de se comprendre mutuellement dans notre complexité. C’est la vérité qui touche cette centaine de personnes, à des milliers de kilomètres ou tout juste cent mètre de leur domiciles, séparés par de multiples codes culturels, mais pourtant si proches en cet instant.

 

Et sur le chemin du retour, c’est le cœur chantant que le duo d’explorateur se tait, soudain soucieux de ceux qu’ils aiment, de ceux à qui ils pensent, de ceux pour qui ils vivent et éprouvent ces expériences… père, mère, frère, famille et cousins ou encore amis proches…

 

 

 


22/11/2013
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Chiang Mai Day 2

Une histoire de rencontres

 

Il existe une multitude de raison de faire un tour du monde, de voyager, de voir ce qui se trouve ailleurs et partout. Certains font un tour du monde pour battre des records, d’autres pour se cultiver, ou trouver une idée, un concept. D’autres le font pour se prouver quelque chose… chez moi il y a peut être un peu de ça, mais surtout l’envie de vivre une aventure, et toute aventure est avant tout une histoire de rencontres.

 

C’est sur la magie des rencontres que j’écris cet article. Certains pourront se sentir déçus du manque d’exotisme des rencontres dont je vais parler, mais je souhaite ici vous partager mon point de vue. La magie d’une rencontre, de cet instant de découverte mutuelle ne se mesure pas à la différence ethnique ou culturelle, à la séparation des deux mondes, des deux parties… Non, la qualité et la magie de cet instant ne s’estiment que par ce qu’il vous apporte, la manière dont il vous enrichit. Ce sont ces instants qui nous définissent et nous grandissent, et le contexte dépaysant du tour du monde ne fait que favoriser la spontanéité de ces rencontres, et notre ouverture d’esprit vis à vis d’elles.

 

Enfin, trêve de réflexion, il est temps que je vous replace dans le contexte : le surlendemain de la rencontre avec le moine bouddhiste, le réveil a sonné très tôt ce matin là. Nous partons pour une journée trekking, une balade à la manière d’Indiana Jones, d’abord à dos d’éléphants, puis en excursion dans la jungle avant de finir l’après midi en profitant du bambou rafting. Pour vous l’imaginer, visualisiez 8 épais bambous de 10 mètres de long, attachés entre eux, cela forme une embarcation longiligne qui se guide à la force des bras grâce à une perche.

 

Nous vivons cette journée accompagnés de deux belges, un wallon et un bruxellois, ainsi que de deux anglo-saxonnes, une de Manchester, l’autre nous venant du Canada, proche de Vancouver. Notre programme commence par une balade d’une heure à dos d’éléphants, au rythme de la « Patrouille des éléphants » du Livre de la Jungle, un classique de Disney. En effet, nous ne cessons tout quatre d’en chantonner l’air, le sourire étirant nos lèvres alors que nous pouvons approcher ces mastodontes. Montant par duo et un dresseur, les belges chevauchent en tête, suivent Sylvain et Marina, les anglo-saxonnes puis… Et bien Yann et moi peinons comiquement sur la plus imposante des montures, un titan parmi ses congénères, j’ai nommé Boomi. Boomi est puissant, massif et à bien des égards surprenant de calme… trop calme même !

 

C’est distancés de près de 100 mètres que nous avançons à une vitesse lente mais inéluctable, comme un mécanisme bien huilé. Nous rions avec notre dresseur, Lowe, qui nous donne l’âge de notre pachyderme, 45 ans. Lowe est farceur et nous jouons avec lui. En effet, malgré sa non connaissance du français, ce dernier répète à grands renforts de cris, et avec une surprenante exactitude, tout ce que l’on dit dans la langue de Molière, s’en amusant, et nous faisant rire par la même tant certains résultats sont comiques. Nous sommes bercés par la marche de l’éléphant, puissant et noble, imposant le respect malgré, soyons honnête, la lenteur d’escargot de notre monture. Nous nous balançons et découvrons bien vite une force cachée de Boomi… il ne s’arrête pour ainsi dire jamais dans le but de réclamer les bananes que nous avons acheté ! Alors que nos concurrents, pourtant fiers de leurs montures rapides et légères, ne cessent de s’arrêter pour rassasier la gourmandise infinie des quadrupèdes.

 

C’est ainsi que nous finissons de les rattraper, avec l’inexorabilité du temps, patients et réguliers. Comme à mon habitude, je fais mon malin en quittant la douce sécurité de la nacelle pour m’installer sur le cou de la bête. Je regrette bien vite mon choix tant la stabilité y est réduite, mon postérieur résolument ancré entre les omoplates de la bête. Chaque pas manque de me faire tomber tant le jeu puissant des muscles sous l’épais cuir m’offre une assise incertaine. C’est bien à cet instant là que je peux apprécier le plus pleinement l’impressionnante force de Boomi, qui ne cesse de me fasciner et de m’imposer le respect. Mais tandis que je m’agrippe avec hardiesse, mon ami au cuir gris accélère le pas dans une pente, me penchant dangereusement en avant. C’est assez pour me rappeler à la raison et me pousser à remonter sur la nacelle. Fin de l’expérience enfantine, ma place est sur ce doux siège de cuir !

 

Nous continuons notre promenade et finissons par rattraper et dépasser Sylvain et Marina, ainsi que les anglo-saxonnes. Les deux équipages ne cessent de s’arrêter tant leurs montures réclament des bananes en récompense. Mais Boomi, majestueux et noble dans sa tâche, avance sans frémir, la sagesse de l’ainée le faisant vite reprendre la tête du cortège. Le reste de la balade est l’occasion pour nous de nous exalter et d’exprimer notre fascination pour ces pachydermes. Pendant ce temps, Yann et moi dispensons avec générosité nos bananes à tout éléphant que nous croisons, concurrents ou éléphanteaux qui gambadent autour de nous avec l’agilité d’une baleine prisonnière d’une piscine olympique. C’est dans cette ambiance bon enfant, chantant à tue-tête la chanson de Disney que nous terminons cette randonnée. Dommage, nous n’aurons pas pu nous baigner et nous doucher avec nos montures comme il était prévu. Cela nous apprendra à avoir trop négocier le prix de l’activité…

 

Au revoir Boomi, au revoir Lowe, la magie de ce moment enfantin nous aura fait vous aimer avec sincérité, prenez soin de vous.

 

Nous poursuivons alors notre découverte de la jungle en partant à la rencontre des Karens, un peuple local qui s’est ouvert il y a quelques décennies à la Thaïlande. C’est un peu forcé qu’ils se sont adaptés au nouvel état de Thaïlande, particulièrement quand le roi a interdit le nomadisme dans la culture du riz, puis l’exploitation de l’opium. Ces deux changements majeurs les ont rendu sédentaires, forcés de se figer dans l’espace pour élire domicile. L’apparition d’engins agricoles a détruit leur lien symbiotique avec les buffles, faisant disparaître ces animaux de leur vie. Pourtant, en échangeant avec eux, ces changements ne sont pas seulement négatifs pour eux. Ainsi, ils sont heureux d’en éprouver les avantages aussi, comme l’accès au soin et surtout l’école pour les enfants. La sagesse de ce peuple et sa capacité à savoir mêler tradition et évolution, même si pervertie et guidée par le besoin touristique, est attendrissante et pleine de leçons.

 

Au revoir les Karens, votre patience et votre indulgence face aux touristes curieux que nous sommes nous auront fait vous respecter, prenez soin de vous.

 

La suite de notre journée se poursuit sur une balade dans la jungle en terrain accidenté, nos pieds foulant cette terre où la nature n’a jamais perdu ses droits, omniprésente et dominatrice. Je donne maintenant un autre sens aux mots « jungle luxuriante »… le paysage est captivant, paré d’une multitude de nuances comme si le créateur de cette fresque avait voulu montrer toute l’étendue des possibilités du vert, pointant du doigt la palette d’émotions que cette coloris peut suggérer et créer. La vie ici n’est pas seulement un concept philosophique, elle est une réalité presque oppressante dans cette moiteur. À mesure que nos yeux s’habituent, notre vision se précise, et nous détectons de plus en plus de signes de cette vie bouillonnante alors que nous nous découvrons une capacité à zoomer sur le minuscule et à déceler l’invisible. La vie grouille, se répand, occupe son territoire, et nous nous sentons acceptés comme spectateurs de cette effusion. Mais un autre sentiment domine également, il est évident que cette même nature se déversera sur nous avec violence si nous quittons le pacifisme de notre rôle de spectateur. C’est dans ce respect total que nous évoluons, l’instinct reprenant le dessus alors que les épaules se collent et que nous avançons en formation serrée.

 

Mais quel spectacle, quelle tranquillité ! Tranquillité oui, mais pas de silence alors que nous oreilles sont tout autant témoins de cette vie bourdonnante que nos yeux.

 

Au revoir la jungle, ton infinité et ton indomptabilité nous auront fasciné et envouté.

 

C’est la même fascination pour notre environnement que nous envahit alors que nous descendons la rivière en bambou rafting, sagement assis avec inconfort sur les bambous pendant que nos guides nous emmènent au fil des rapides, nos embarcations oscillantes par le remous. Plusieurs fois nous percutons des rochers mais ces jeunes capitaines sont remarquablement habitués, se tenant debout sans défaillir. Ils ne montrent aucun signe de lutte, se résignant à subir le courant d’eau mais s’adaptant à celui-ci avec une adresse remarquable, comme si chaque caillou, chaque creux et chaque plante étaient intimement connus d’eux.

 

Nous sommes trempés jusqu’aux os mais ravis, et bientôt nos merveilleux capitaines offrent à deux d’entre nous de les remplacer. C’est sans plus attendre que le tandem de guides plonge à l’eau, laissant nos embarcations sans direction alors que Sylvain, pour la notre, et le bruxellois, pour la seconde, s’emparent quelque peu hésitants des perches et tentent de maitriser le radeau de fortune. Entre quelques éclats de rire tandis que Sylvain tombe à l’eau quand il lutte bravement contre le courant à l’aide de sa perche, se sacrifiant pour nous, mon regard se porte sur nos guides qui nagent à nos côtés. Si la vitesse et l’aisance avec lesquelles ils évoluent dans l’eau sont déjà un réel sujet de fascination, n’ayant rien à envier à quelques champions olympiques, c’est surtout leur capacité à nager dans 50 cm de profondeur, malgré les cailloux, aspérités et obstacles cachés. Essayez, vous verrez, ça force le respect, leur corps se gainant avec force pour se transformer en parfaite planche, flottant à la surface, ballotés au grès des rapides mais fusionnant gracieusement avec l’eau et sa douce virulence. Nous arrivons à bon port après un temps indéterminable, transis, riants et revigorés.

 

Au revoir nos capitaines, votre maitrise de l’environnement et votre symbiose avec celui-ci nous auront charmé et amusé.

 

Enfin vient le moment de la soirée, le groupe de la journée s’étant très bien entendu, nous décidons tous de nous retrouver au soir pour manger et boire, avides de fêter cette merveilleuse journée de la même façon qu’elle a commencé… en étant tous ensembles ! Ainsi, le rendez vous est fixé à 19h30 à notre hôtel, où le bar et le restaurant sont de qualité et peu cher. Seuls les belges n’y résident pas, tant pis, ils feront le déplacement pour nous !

 

Après une présence polie, les anglo-saxonnes nous abandonnent pour aller faire la fête en ville, et nous nous retrouvons entre francophones, se remplissant la panse des plats locaux, épicés, et se rinçant le gosier de Chang, la bière locale dont le symbole est l’éléphant, créature sacrée de ce pays.

 

Les discussions vont gaiement, et nous découvrons avec plaisir nos voisins du nord, dans un moment de convivialité spontané, le temps défile sans que nous le regardions, et les sujets de conversations ne manquent pas. Par respect de leur intimité, je tairais le nom de nos amis, mais je souhaite qu’ils se reconnaissent dans ces lignes.

 

Ainsi, je découvre chez notre ami wallon une grande culture, un réel attrait pour l’actualité, la politique et l’économie, le personnage, plus âgé que nous, est sympathique, et même dans le sérieux de la discussion, tout le monde passe un excellent moment. Notre ami bruxellois quant à lui a tout du poète, à ravir ces jeunes filles alors qu’il possède beaucoup des qualités de l’artiste, curieux, ouvert, et avant tout intéressé par l’instant présent.

 

Pendant nos babillages, nous écoutons le guitariste présent sur scène, avec plaisir tant sa capacité à reprendre des grands classiques, de Bob Dylan à Oasis en passant par Nirvana, ou une magnifique version acoustique de « Lazy song » de Bruno Mars. Il est étrange de se retrouver dans un endroit si isolé, si étrange pour trouver tant de talents, alors qu’un jeu s’organise entre nous et l’artiste, celui-ci nous faisant chanter et participer à son concert. Il est évident qu’il est ravi de cette interaction, ayant d’habitude un public amorphe alors que nous, sensibles à sa musique, nous remplissons notre office de spectateurs, et lui rendons la pareille de son investissement.

 

Et c’est justement en l’écoutant que nous découvrons la renommée de notre ami Bruxellois, qui est le chanteur du groupe « Von Durden », groupe relativement connu de la Belgique, qui a tout de même à son palmarès des premières parties de renom : Mademoiselle K, Julien Doré, Superbus, Selah Sue, Téléphone, Les Ritas Mitsuko… Et nous le retrouvons donc en Thaïlande où il fête l’enregistrement de leur troisième album en compagnie de son ami wallon. Il nous fait le plaisir d’une démo, et partage son expérience avec nous, et nous ne cessons de trouver comique le fait de l’avoir rencontré à plus de 15 000 kilomètres de chez nous.

 

La soirée se termine au son de nos rires, nous sommes plongés dans le noir tant l’endroit s’est vidé, et c’est sans regrets, mais avec le cœur empli de joie que nous quittons nos nouveaux amis, non sans se souhaiter mutuellement toutes les meilleures choses du monde…

 

Au revoir bruxellois, wallon, et guitariste anonyme, l’authenticités de vos personnalités nous auront rappeler que l’important n’est pas où on est, mais avec qui on est.

 



 

 

 

 


06/11/2013
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Chiang Mai

Nous voilà en route pour le Nord de la Thaïlande ! Une région de jungles, de temples et de textiles !

 

Mais comme tout voyage, cette épopée commence par le transport, et c’est à bord d’un bus de nuit climatisé que nous nous dirigeons vers notre destination ! L’ambiance est très rapidement au sommeil pour la grande majorité du bus malgré l’heure précoce (20h30). Deux italiens proches de nous honorent la réputation de la grande botte, piaillant sans discontinuer durant de longues heures, ajoutant leurs chuchotements au concert  produit par le moteur et la climatisation. Si j’avais cru un jour donner raison à un cliché culturel…

 

Nous arrivons vers 6 heures à ce qui sera notre maison pour les trois prochains jours. Après quelques formalités et des échanges avec le tenancier, nous décidons d’un commun accord d’aller prendre un peu de repos. Nous comptons bien nous lever en forme vers 11h pour explorer Chiang Mai, une ville majeure et capitale de sa province.

 

C’est ainsi que nous en foulons le sol, arpentant ses rues et ses dédales qui rapidement nous changent de Bangkok et nous offre une autre vision de la Thaïlande. Beaucoup plus vert, l’humidité de l’air très prononcée favorisant l’impression de nature et de sauvage, nous retrouvons le sourire à découvrir cette cité. Si les rues du centre ville ressemblent à une Bangkok plus sauvage, c’est surtout les temples que nous visitons qui nous enchantent. Le bouddhisme propose une architecture majestueuse et élégante à la fois.

 

Les temples, en forme de pagode représentent en réalité la silhouette d’un homme à genoux, méditant. Comme Sylvain me l’explique avec tout son amour de la culture orientale, je découvre que la base du bâtiment, large et solide représente les jambes du prieur, le premier niveau d’élévation s’assimilant au buste, le toit symbolisant la tête. Le sommet pointu, quant à lui, est la matérialisation de l’aura du prieur que les bouddhistes associent à la zone de la tête. C’est armé de ces connaissances que j’entre dans ces lieux solennels, me déchaussant et marchant d’un pas feutré, mains croisées dans le dos. Le respect ici est inné, le niveau de la voix s’abaisse et le rythme cardiaque se ralentit. De cette architecture haute, avec ses hauts piliers couverts de feuilles d’or, et ses grandes statues de Bouddha qui regardent au loin, comme avec prescience, émane une vraie tranquillité, une forme d’apaisement. Je ne saurai trouver d’autres mots que l’apaisement qui est lié à ces lieux. Si nos églises obligent au silence, ici le silence vient naturellement, comme s’il était nécessaire pour capter toute la symbolique du lieux et la paix qu’il véhicule. Je me sens calme, un sourire étirant sans raisons mes lèvres. Je pourrai étrangement y rester des heures, moi qui suis allergique aux religions.

 

Sylvain doit presque me tirer hors de chacun de ces temples, tant je m’y sens bien, calme et détendu. La lumière y est parfaitement dosée, apaisante même pour nos yeux fatigués, l’air plus léger qu’à l’extérieur comme pour soulager nos poumons éprouvés par l’humidité et la pollution opaque.

 

Et ces dorures… la plupart des temples que nous visitons sont fait de bois massifs, partiellement peints de noirs, et couverts de feuille d’or dans un style grossier qui n’enlève rien à l’élégance du lieu. Et nous ne finissons pas d’être étonnés par le nombre de temples, tous moulés sur le même travail fin et symbolique. Seul bémol à notre enchantement, beaucoup de ces temples sont récents, parfois trop récents, enlevant la portée culturelle que nous y associons tandis que nos cerveaux formatés par le marketing y voient la rentabilisation touristique.

 

Mais notre souhait d’authenticité est exaucé par une pyramide somptueuse, recouverte partiellement par la mousse et la végétation. L’édifice nous domine, et domine la ville du haut de ses 40 mètres, ce qui est bien supérieur aux autres édifices, majoritairement de plein pied, ou tout au plus comptant un étage. Le monument est constitué de briques minuscules, d’une couleur proche à notre chère brique toulousaine. C’est la petitesse du composant qui permet une telle finition dans le détail, et qui nous laisse imaginer une quantité de travail titanesque pour l’assembler. Les statues d’éléphants s’alignent tout autour, comme autant de gargouilles protectrices, l’âge ayant détruit plus de la moitié de ces monstres grandeur nature.  Âgé de nombreux siècles, le temple majestueux nous laisse supposer une grandeur sans nul autre pareil à sa grande heure. En effet, il est entouré d’un fossé qui devait être rempli d’eau, les nénuphars flottants entre les poissons chats comme nous avons vu sur les temples plus récents.

 

Alors que nous nous en éloignons, nous ne pouvons nous empêcher de regarder par dessus notre épaule pour le regarder une dernière fois, les yeux irrémédiablement attiré par une majesté si tranquille, si calme. Et nous sentons comme le regard cajoleur de Bouddha sur notre dos, ici la présence mystique est presque palpable, mais relaxante, comme aimante. Cette sensation est troublante, particulièrement pour moi et mon refus catégorique des religions, mais elle est agréable, et je ressens même un pincement au cœur quand cette tranquillité me quitte pour retrouver le brouhaha de la rue.

 

Sur les conseils des locaux que nous rencontrons, nous finissons nos visites religieuses par un temple reculé, absent des guides qui pullulent sur les étales des hôtels et centres touristiques. On nous le décrit comme magnifique, et en y arrivant, nous comprenons ce qu’ils voulaient dire.

 

Ce temple a la particularité d’être le seul au monde construit intégralement en argent massif, scintillant de sa parure mât, paraissant gris de loin puis éclatant à mesure que nos pas nous en approchent. Ici, seul l’argenté domine comme couleur, la seule entorse à la règle est le Bouddha d’or haut de 2 mètres sur son autel. De cette harmonie de matériaux et de couleurs se dégage une vraie aura. Datant de 1501, il vit très bien son âge et semble figé dans le temps, comme immortel alors qu’aujourd’hui il est plus principalement dédié à l’immense forge d’argent qui l’entoure.

 

Quand nous en ressortons, nous avons l’opportunité de nous asseoir en présence d’un moine qui accepte de nous consacrer du temps afin de nous parler de son mode de vie, et de la philosophie bouddhiste. Il est d’un âge indéfinissable, et si je suis un sceptique du mysticisme, son aura elle, était bien réelle et indéniable. Un vrai calme émane de lui, comme un baume qui calme nos douleurs aux pieds et aux jambes, nous nous sentons plus légers, en parfaite confiance. C’est presque avec hésitation que nous ouvrons la bouche, murmurant quelques premières questions fébriles, comme enfantins devant une patience si intemporelle. Il semble presque amusé et attendri par notre jeunesse enthousiaste. Il parle, nous écoutons, le débit de ses paroles a quelque chose d’inéluctable, comme le cours d’eau d’un ruisseau de montagne, inébranlable, calme et fluide, d’un son apaisant et mélodique. Nous tendons l’oreille et délions nos langues à mesure que notre curiosité réanime notre excitation.

 

Ainsi, il nous conte comment le bouddhisme n’est en aucun sens une religion mais un art de vivre. Ils reconnaissent les dieux indous, mais ne les prient pas. Bouddha est en réalité plus un exemple qu’un prophète, il est le premier d’entre eux à avoir eu la clarté d’esprit d’apprendre de la nature même des choses, et d’en enrichir sa sagesse. En fait, leur vie est vouée à l’apprentissage, celui-ci ne finissant jamais vers la voie de l’amélioration de soi, de la recherche du bonheur. Nous retrouvons des similitudes avec des méthodes industrielles ou marketing, en réalité, ils ne s’intéressent qu’à la racine d’un problème, remontant au travers de plusieurs « pourquoi » à la source de celui-ci. Ils éradiquent ainsi la source après l’avoir comprise. Ceci constitue leurs 4 nobles vérités:

 

1-    La souffrance

2-    La cause de la souffrance

3-    L’extinction de la souffrance

4-    Le chemin qui mène à l’extinction de la souffrance

 

Ce principe, bien que familier dans d’autres contextes, semble implacable dans leur vision, comme évident. Ainsi le bouddhisme est une recherche de soi même, et une profonde réflexion philosophique sur toute chose. Comme l’exemple qu’il nous cite, il ne peut exister que deux voies sur terre, la bonne, qui mène au bonheur, la mauvaise qui mène au malheur. Chacun choisit une voie qui lui est propre. Si l’on prend l’exemple du feu, il nous explique que le feu brûle, et provoque donc la souffrance. L’homme éclairé, sage, sait sans expérimentation que le feu brûle, la bonne voie sera donc d’éviter le feu car celui ci brûle par nature. La mauvaise voie est celle de l’expérimentation, où l’individu découvre que le feu brûle dans la souffrance.

 

En effet, leur méditation est en réalité ceci: une profonde réflexion philosophique sur chaque chose. En une séance, ils choisissent en leur fort intérieur un sujet unique, comme l’orientation du vent, ils cherchent à en comprendre la nature, la racine, le vrai sens. Et leur sagesse vient de là, de l’étude patiente et progressive de chaque chose sur terre, de chaque concept pour en déceler la vraie essence.

 

Enfin, je ne peux m’empêcher de demander quelle est leur relation avec les touristes, et ne voient ils par notre présence comme une intrusion dans leur paisible cheminement vers la sagesse ? Sa réponse nous étonne à nouveau par le calme et la résolution qu’il y met. Leur devoir, pour reprendre ses termes, est justement d’être présents pour nous, et ils sont honorés de nous faire découvrir leur mode de pensée. Loin d’un désir de séduction et de conquête, présent dans d’autres religions, ici Bouddha ne tente pas de nous convaincre comme ce moine nous le dit. Bouddha montre, démontre, mais ne réclame aucun amour ni récompense.

 

Encore maintenant que j’écris, 24 heures après cette discussion, je me sens comme transi par le calme apaisant et la sagesse de ce moine. Que nous partagions ou non ce mode de pensée, cette sensibilité, on ne peut être que touché par la résolution de cette pensée, qui, tout entière, est vouée à l’ouverture d’esprit. Je doute qu’une vérité absolue et universelle sur la façon de vivre existe, mais sans aucun doute, je me sens comme des leçons à recevoir d’un tel calme face l’inéluctabilité de la vie.

 

Qui sait ? Peut être déciderai je de m’accorder des moments de méditation pour explorer la profondeur de la pensée et réfléchir sur la réelle signification de mon existence ? Je doute un jour de me revendiquer bouddhiste, mais sans aucun doute il s’agit bien de « l’école » de pensée dont je me sens le plus proche tant la perpétuelle quête d’apprentissage m’apparaît séduisante dans sa démarche. Et vous, que pensez vous des croyances et du but de votre vie ?


30/10/2013
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