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Tel Aviv Partie 2

Bien… après la forme, le vécu et l’expérience, traitons le fond ! Pourquoi une économie nocturne, pourquoi mener une politique de la ville la nuit et quelles sont les applications concrètes que nous retirons de Tel Aviv ?

 

Introduction du contexte international :

 

Tout d’abord, il faut prendre en considération l’évolution de notre société, et par société j’entends le modèle à la base occidental qui a rayonné sur les derniers siècles. Ce modèle est aujourd’hui en pleine évolution car il n’est plus seulement occidental, les autres parties du monde y apportent leur pierre à l’édifice, le font changer.

Avant cette évolution, l’état-nation primait sur les cités. En parlant d’immigration il s’agissait de mesurer les flux de population d’un pays à l’autre, d’une région à l’autre, souvent impulsés par les guerres ou leurs conséquences.

Evidemment ces flux migratoires en fonction des guerres sont encore présents, malheureusement. Et quoique faiblissants selon les observateurs à l’échelle du dernier siècle, ils restent une vraie problématique de société qui n’est pas le sujet d’aujourd’hui. Non, en vérité il s’agit d’une autre migration dont il est question. Celle de cité à cité. De métropole à métropole.

Dans ce schéma, l’attractivité culturelle, intellectuelle et économique d’une cité prime sur l’attractivité de son état. Comment le constate-t-on à l’heure actuelle ? Cela s’appelle le city branding ou marketing urbain en français. Les exemples sont nombreux et remontent : il est possible de citer « I ❤ NY », une campagne pour la promouvoir l’attractivité de la ville de New York à la fin des années 70, un logo encore populaire et beaucoup utilisé aujourd’hui. Egalement des exemples comme « I Amsterdam », « OnlyLyon » « ThinkLondon » ont été des slogans marquants qui révèlent en vérité un changement de dimension des villes dans leur communication.

En termes de tourisme, d’attractivité économie, ou pour attirer les investissements et intellectuels, les villes se dotent aujourd’hui de services marketing performants qui œuvrent à la visibilité de la cité et à son rayonnement à l’international. La ville de Toulouse par exemple a récemment réalisé un spot publicitaire TV institutionnel, ou encore la ville de Tel Aviv qui a externalisé le marketing, confié à une agence sur fonds privés dont le seul métier et rôle et de développer le rayonnement de la ville blanche à l’international.

Ainsi les flux migratoires ne se font plus à l’échelle des états, mais une véritable guerre des cités à qui sera la plus attractive, se livre, chacun à son échelle.

 

Pourquoi une politique de la ville la nuit ?

Dans ce contexte, on parle de la conduite d’une politique de la ville la nuit afin de rendre le champ nocturne non seulement attractif mais également d’en faire une vraie manne économique et culturelle.

Les villes ne se contentent plus seulement d’attirer les géants de l’économie comme Google, Amazon, Airbus, Toyota. Ces sociétés se composent de salariés, et ces salariés doivent avoir une qualité de vie adéquate dans leurs cités. Cela veut dire tranquillité mais aussi dynamisme culturel et festif avec une offre étoffée et unique.

C’est aujourd’hui la mission des maires de nuits et ambassadeurs à travers le monde, l’enjeu est de faire de la nuit un champ d’expression, de culture, mais aussi de respect de tous, résidents, travailleurs et noctambules.

Une nuit où vous pouvez dormir, célébrer, écouter de la musique, rire, manger et boire, est une nuit qui appartient à tous, et qui propose beaucoup. Voilà le vrai enjeu de nos cités la nuit.

 

Quelles sont les actions à travers le monde ?

L’action des maires de nuits et ambassadeurs peut prendre diverses formes. Déjà, à l’international au travers du collectif que nous formons, l’INAF (International Night Ambassador Federation). Et les initiatives sont trop nombreuses pour les lister de manière exhaustive, mais peuvent être classées en champ d’action :

 

1)     Institutionnel : L’enjeu ici est d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur l’intérêt de traiter le sujet, et de se doter d’un conseil de la nuit, d’un élu, ou d’un représentant qui sera dédier à traiter les problématiques liées à la nuit, au champ nocturne. En exemple, Madrid, à l’initiative de notre cher confrère Jorge Sanza, va se doter en septembre d’un conseil de la nuit rattaché à la Mairie. Ce travail de longue haleine, de lobbying et de sensibilisation qu’il aura réalisé va permettre à la capitale espagnole de se doter d’une vraie structure administrative pour traiter ces sujets. Autre exemple, l’action portée par l’ambassadeur de la nuit à Tokyo, ce dernier a œuvré pour la révocation d’une loi polémique qui interdisait officiellement l’ouverture d’établissement où l’on danse après minuit. Ainsi jusqu’à l’année dernière vous pouviez ouvrir un karaoké ou un café jusqu’à 6h du matin, mais pas une discothèque. Ces dernières jusque-là agissaient dans l’illégalité la plus totale mais tolérée et c’est l’action menée par notre confrère Zeebra qui aura permis de corriger cela.

 

2)     Culturel : L’enjeu ici est de conserver la capacité de création depuis la racine dans nos cités en terme artistique. Il n’est pas question d’attirer David Guetta et Beyonce ici, il est question d’inciter la population locale à la création et à l’expression en faisant appel à son talent propre, aux jeunes et moins jeunes. Il s’agit de fournir les infrastructures, une scène, des lieux d’expressions artistiques à nos talents. Ceux-ci sont latents, ils n’attendent qu’à être révélés. Combien de Nougaro, Zebda, Big Flo et Oli se cachent encore dans nos quartiers ? L’idée est de laisser bourgeonner la créativité en lui offrant la place, ce qui résulte en une vraie diversité artistique, nécessaire pour une scène locale non mainstream. A titre d’exemple, à Berlin, Lutz Leichsenring et ses compères ont créé le « Creative Footprint ». Ce projet, méthodologie universelle résultant d’une collaboration d’universitaires, associatifs et artistes, permet de mesurer l’évolution de la créativité artistique d’une ville, son offre, la répartition sur son territoire.

 

3)     Urbanisme : Transports, sécurité, accessibilité, conditions de travail telles que crèches nocturnes, premiers secours ou autres sont également des enjeux majeurs, pour nos travailleurs de nuit, pour nos noctambules. Car oui, la vie ne s’arrête pas à 21h, des infirmières, des policiers, des serveurs, des agents de maintenance, etc. permettent à la ville de continuer la nuit, de prendre le métro, de se faire soigner ou de se sentir en sécurité. Et ces individus font face à des manques de transports, à des problématiques pour faire garder leurs enfants la nuit, ou à une mise sur le banc de la société car ils sont en « décalés ». Par exemple Madrid, et en son nom son ambassadeur Jorge Sanza, défend le projet auprès de la Mairie pour une ouverture du métro 24/24.

 

4)     Economie : Le poids économique de la nuit est encore trop souvent sous-estimé car nocturne et parfois tabou. Pourtant, les bars, restaurants, cinémas, hôtels, théâtres, discothèques, et autres vivent la nuit et animent l’économie locale et du tourisme. En attestent le Pôle d’Excellence « Tourisme Nocturne » lancé en 2015 par le gouvernement français, mais également la réflexion menée par New York sur le fait d’élire son propre Maire de Nuit afin de dynamiser et « nourrir » l’économie nocturne de la grosse pomme. Au niveau des maires de nuit actuels, des études économiques sur le champ nocturne sont menées à Toulouse afin de peser le poids économique la nuit. Cette initiative, qui fait office de projet pilote, est regardé de près par l’INAF (International Night Ambassador Federation) et sera sûrement décliné, comme le Creative Footprint, selon une méthodologie universelle et appliquée dans les différentes grandes villes volontaires.

 

5)     Prévention et éducation : Parce que tout le monde ne vit pas la nuit mais que pourtant la nuit appartient à tous, il est important de traiter d’éducation et de prévention. Que cela soit de la lutte contre les nuisances nocturnes, le port du préservatif, ou simplement l’apprentissage d’être un fêtard respectueux, la nuit doit être appréhendée de manière durable et qui profite à tous. C’est pourquoi il est important d’agir auprès des jeunes par exemple au sein des lycées, et auprès des moins jeunes directement dans les établissements afin de transmettre les bons us et coutumes pour une nuit sereine et qui appartient à tous. En l’occurrence, Toulouse Nocturne réalise des interventions dans les lycées et a édité des guides de prévention « Toulouse en mode nuit » et « La Haute Garonne en mode nuit ».

 

 

Qu’est-ce que retient Toulouse Nocturne de ce sommet ?

Toulouse Nocturne a historiquement son cheval de bataille : prévention, éducation, transports et économie. Mais au-delà, il apparait crucial que les actions de Toulouse Nocturne et Occitanie Nocturne se portent aussi sur le champ culturel, en s’appuyant sur l’expertise de nos confrères à Amsterdam, Berlin, Zurich et autres. Pourquoi ne pas rêver d’une Toulouse avec une scène musicale indépendante, diverse et riche ? Pourquoi ne pas œuvrer à inciter l’expression culturelle de nos citadins, à travailler à la diversité de nos établissements nocturnes afin de varier et enrichir notre offre de nuit ?

Voilà le complément d’actions que nous souhaitons mener à l’avenir, et dont les deux premières étapes seront probablement la mise en place du Creative Footprint à Toulouse, et la constitution d’une équipe dédiée au volet culturel, soutenue par l’expertise des autres membres de l’INAF.

 

Un mot sur l’avenir, pourquoi s’intéresser à la culture ?

Nous vivons depuis près de deux siècles sur un modèle de croissance économique reposant principalement sur l’exploitation de ressources finies. L’éveil des consciences sur l’écologie et les limites de notre bonne vieille Terre mais également les inégalités humaines qu’engendre un tel système nous font poser la question : quel avenir pour notre économie ?

Un certain nombre d’économistes, dont le premier Fritz Maschlup en 1962 privilégient la piste d’un avenir fait d’économie du savoir. Le principe est simple : les ressources naturelles sont finies, dans un monde fini, et ainsi la croissance ne peut être infinie. Tandis que le savoir et la connaissance sont des ressources infinies, immatérielles, qui peuvent constituer le socle de notre économie de demain.

De demain ? En vérité, selon ces économistes, le virage de ce changement a été amorcé dans les années 90. Et si le processus est long, on peut constater aujourd’hui l’importance de l’information dans notre économie. En effet, à la fin des années 90, l’économie de la connaissance représente 50% du PIB des pays de la zone de l’OCDE.

Si ces principes peuvent paraître éloignés de notre quotidien de simples citoyens, ils sont pourtant une réalité qui prend vie dans nos villes. Alors soutenons nos esprits, nos intellectuels, notre créativité, et tournons-nous vers l’avenir. Plutôt que de subir notre avenir, façonnons-le.

 

 

Pour aller plus loin - Articles complémentaires :

City Branding : https://www.laposte.fr/lehub/Bienvenue-a-l-ere-des-villes

https://www.streetpress.com/sujet/122514-city-branding-quand-les-villes-vendent-leur-image

Pôle Excellence Tourisme Nocturne : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/tourisme/l-action-du-maedi-en-matiere-de-promotion-du-tourisme/cinq-poles-d-excellence-pour-renouveler-l-image-touristique-de-la-france/article/pole-tourisme-nocturne

Le projet de Maire de nuit à New York, pour les anglophones : http://www.nydailynews.com/opinion/new-york-city-night-mayor-nourish-nightlife-industry-article-1.3256607

L’économie du savoir : http://www.oecd.org/fr/sti/sci-tech/leconomiefondeesurlesavoir.htm

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie_du_savoir

Creative Footprint : http://creative-footprint.org/

INAF : http://inaf.world/night-mayor/

https://www.facebook.com/INAFederation/

 

 

 



12/07/2017
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