GandSaroundtheworld

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Le peuple Thaï

Il est vrai que le rythme des articles me semble moi même affligeant tant j’écris peu… mais la faute à l’absence d’histoires à raconter. Un bon conteur c’est avant tout une bonne histoire, et la Thaïlande, même si magnifique sur bien des aspects, nous apparaît décevante principalement du fait de sa relation symbiotique avec le tourisme.

 

Loin de moi l’idée de dire qu’ici nous ne vivons pas des moments uniques, pour beaucoup remplis de magie comme la visite du palais du roi à Lop Buri, où nous avons eu la chance d’errer librement. Nous y avons clairement trouvé une quiétude d’autant plus surprenante qu’au milieu de ruines multi centenaires, notre seule compagnie était le silence. L’endroit était désert, et hormis nos pas, nous n’avons pas trouvé signe de vie autres qu’un timide chat sauvage et un majestueux cerisier en fleur. Ou encore, comme moment unique, les relations que nous avons pu tisser avec les locaux de Phuket, à proximité de la plage de Patong

 

Non, ces moments sont magiques mais trop rares, car le pays gangrène sa propre richesse culturelle pour les yeux du touriste. Le tourisme en Thaïlande, même si les exportations de biens industriels restent le cœur de l’économie, pèse pour près de 10% du PIB, ce qui est assez unique au monde, et caractéristique de ce pays.

 

Pour donner une image de l’importance accordée par le gouvernement au tourisme en Thaïlande : suite au tsunami en 2004, l’économie s’est centrée sur la réparation des zones sinistrées à tel point que dès l’année suivante, la Thaïlande battait un nouveau record d’affluence. Et chaque année depuis 2005, un nouveau record a été battu.

 

Mais ce qui est intéressant, ce n’est pas la place du tourisme dans l’économie mais la place qu’il occupe dans la mentalité de la population. En effet, la France reste la première destination mondiale du tourisme avec ses quelques 83 millions de visiteurs en 2012, loin devant le second (U.S.A. avec 63 millions), et plus loin encore de la Thaïlande, 15ème destination mondiale avec ses 20 millions de visiteurs. Mais cette première place du coq ne m’a jamais semblé pervertir la culture française ou notre relation au touriste, ou du moins cela reste incomparable avec ce qui peut être vu ici.

 

Le comportement unique du thaïlandais face au touriste vient d’autre chose, plus sociétale et sociologique que simplement le succès économique.

 

Déjà, le type de touriste qui a été favorisé par le gouvernement en place dès les années 70. La Thaïlande dispose d’une telle richesse et diversité naturelle ainsi que culturelle avec ses temples, monuments et lieux de cultes, qu’elle n’a pas à rougir une fois comparée à l’ancien continent. Mais pourtant, le cœur de l’économie touristique ici a été centré autour des stations balnéaires, et au développement économique des villes récréations telles que Phuket et Pattaya, qui sont les destinations les plus populaires du pays. La législation originelle sur la prostitution, trop souple, ajoutée à un imaginaire commun sur les vertus de la femme thaï, notamment renforcées par le vécu des G.I. américains, ont favorisé l’apparition d’un cercle vicieux. Ce cercle vicieux, c’est le développement d’une nouvelle forme de tourisme dont le pays est aujourd’hui le leader mondial : le tourisme sexuel.

 

Aujourd’hui, la législation ne cesse de se durcir et de tenter d’endiguer le problème, mais l’avenir ne semble pas pour autant joyeux tant il est difficile de stopper une machine dont tant de personnes sont dépendantes, et où tant d’argent est brassé. Sauf que dans un pays qui est le seul au monde à voir sa population baisser à cause du SIDA, cela devient une vraie problématique majeure.

 

Cependant, cet article ne traite pas de la prostitution en Thaïlande, elle n’est, de ce que j’en ai vu, qu’une des sources de la relation profondément pervertie entre le local et le touriste. Si vous voulez en savoir plus sur la prostitution, ses raisons et son impact néfaste, je vous conseille cet excellent article : http://teoros.revues.org/1822

 

Revenons aux propos, notre visite en Thaïlande est entachée de déception parce que le tourisme ici est omniprésent, un vrai virus qui contamine toute tentative de sortir du cadre et découvrir réellement ce pays et son peuple. Voilà notre vécu, et cette sensation a plus d’une cause racine.

 

Nous avons donc en première raison l’importance du tourisme qui s’axe autour du divertissement du tourisme occidental et asiatique (étonnement le premier client de cette débauche). La deuxième raison pour moi est plus conjoncturelle, intrinsèquement liée à la royauté.

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Ici, les photos du couple royales sont omniprésentes, jetées à la figure du local comme du touriste avec abus, elles sont obligatoires dans tout établissement commercial, et administratif, et même dans les foyers il semble qu’il s’agisse d’une règle tacite. Pourtant la présence croissante de rebelles aux frontières nord et est, ainsi que les soubresauts des mouvements de manifestations qui apparaissent depuis quelques années, démontrent un raz le bol vis à vis de ce formatage. Pis, ce qui nous apparaît comme de plus en plus évident, c’est l’endoctrinement qui est fait du peuple thaï qui, de l’avis des quelques érudits que nous avons rencontré, considère le touriste comme un imbécile oisif, une poule aux œufs d’or sans la moindre jugeote.

 

Evidemment, ce postulat qui semble martelé depuis la petite enfance jusqu’à l’âge adulte, pervertit l’opinion qu’a le peuple thaï des visiteurs. Ainsi, il est même surprenant de constater que c’est la population la plus pauvre et la plus exposée au tourisme, celle qui côtoie tout les jours l’étranger, qui semble la plus ouverte d’esprit et apte à sortir de cette vision généralisée. Cette opinion publique ne fait que se renforcer à mesure que le tourisme sexuel s’épanouit et enrichit la population, et que le gouvernement fait publicité des problèmes que cela engendre alors que lui même le favorisait 20 ans en arrière.

 

Cet endoctrinement trouve sa cause, mais devient aussi conséquence du paradoxe thaï avec la langue anglaise.

 

Pour un pays où le tourisme est si important, si omniprésent, il m’apparaît étonnant voir déroutant que la langue de Shakespeare soit si peu maitrisée par la population, et de manière aussi généralisée comme s’il s’agissait d’une norme. En creusant, on découvre que le souci vient évidemment de la politique nationale sur l’éducation qui, bien qu’elle ait évoluée dernièrement, reste encore fortement allergique à l’anglais sur les bancs de l’école. On retrouve ici la volonté du gouvernement de ne voir le touriste que comme du bétail et non un partenaire du développement, et je pense que c’est ceci la vraie racine du malaise que nous ressentons ici.

 

Si vous voulez approfondir le sujet de l’éducation, je vous conseille cet excellent article : http://www.courrierinternational.com/article/2013/01/03/mauvaise-note-pour-le-systeme-educatif

 

En conclusion, le tourisme est par définition un échange, c’est en tout cas ce que nous avons toujours pensé et ce que nous continuons de penser. Et voici le problème de la Thaïlande, le tourisme n’est pas un échange pour son gouvernement, il est un puits économique dans lequel tirer les ressources pour développer le pays, sans céder à la contre partie qu’il entraine, l’ouverture sur le reste du monde. Et on constate ici qu’en n’instruisant pas sa population à s’ouvrir à d’autres vérités (grâce aux langues), il devient plus simple d’en contrôler l’opinion. Alors sans parler de dictature ou de manipulation, il semble bien ici que le visage du couple royal nous aura suivi durant tout ce mois passé ici, l’œil protectionniste mais avide par dessus notre épaule. Nous aurons croisé ce regard dans la plupart de nos rencontres thaïlandaises, et il semble bien que cela ait été la source de notre gène.

 

C’est cela notre malaise avec la Thaïlande, nous avons choisi de faire un tour du monde axé sur l’être humain, sur l’échange avec les cultures locales parce que c’est ce qui nous plait, nous fait vibrer, nous anime. Et ici, la relation part perdante car pré-écrite à des seules vues commerciales, qui lui donne ce goût amer et particulièrement désagréable, comme décourageante. Mais il arrive aussi qu’elle n’en soit que plus joyeuse encore quand la glace se brise. Encore une fois, la Thaïlande est un pays magnifique, mais il me semble qu’elle n’a pas conscience elle même de ce qu’elle a à offrir. Elle se prive tout autant qu’elle prive le reste du monde d’un enrichissement mutuel qui, bien manié, lui permettrait d’associer traditions et développement.

 

Et c’est justement cette capacité à allier l’ancien avec le nouveau que nous espérons trouver dans un pays de traditions ancestrales et de technologies futuristes : Le Japon, notre prochaine destination !

 



25/11/2013
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