Ubud
Notre première nuit sur l’île de Bali nous permet de récupérer du train infernal qui nous emmène d’aventures en aventures. C’est motivés et excités, bien qu’un peu malades, que nous attaquons une nouvelle journée de découverte.
Au programme ? La découverte de Ubud Palace et de la forêt des singes, deux sites chargés d’Histoire, et qui nous laissent espérer une immersion dans la culture ancestrale indonésienne.
D’un commun accord, nous décidons d’acheter notre liberté, le scooter sera notre moyen de transport pour une journée malgré la folie de la circulation ici ! L’équivalent de 4 euros en roupies dépensées, et nous voilà maître de notre destin au guidon d’une antiquité qui fait passer le modèle original du Vespa pour un bijou futuriste signé Stark ! Le frein avant ne marche pas, pas plus que le clignotant ou le compteur vitesse, mais nous gardons notre bonne humeur.
Sylvain préfère me laisser conduire, moins habitué aux deux roues, et nous partons armés de l’orgueil de deux bikers virils tandis que la réalité est bien plus comique. Les sensations reviennent vite, et la maitrise du véhicule avec, mais la circulation ici est totalement différente, comme dotée d’un alphabet nouveau, il faut reprendre tout depuis le début, réapprendre et s’adapter. Comment définir cette sensation ? La conduite ici n’est pas histoire de droit, de règles et d’ordre, elle est histoire d’instinct, de réflexes et de calme.
Nous avalons les kilomètres et découvrons notre nouvel habitat avec les yeux de Candide en Eldorado, ce petit bout de paradis transpire la fête, une joie presque irréaliste. Nous sommes parcourus de ces frissons qui vous prennent en écoutant votre musique favorite. Le poil se hérisse et nous arrivons par hasard sur la plage…
Le pouvoir de l’imagination est sans limite, mais n’égalera jamais le spectacle qui s’offrait à nous. Les vagues turquoise roulent et s’écrasent sur la plage avec une rythmique presque musicale, tel les tambours traditionnels locaux. Ce n’est pas qu’une question de couleur, de bruit et d’odeur, c’est réellement une sensation d’harmonie, tout semble parfaitement s’enchainer, se dérouler comme du papier à musique pour nous bercer. Cette mélodie est apaisante, la sérénité est très certainement le mot le plus à même de définir la sensation qui se propage dans le corps à la vue de ce spectacle.
Nous trempons nos pieds et ne pouvons nous empêcher de profiter quelques minutes de ces nouvelles sensations. Après tout, voilà bien la définition de la liberté… rien ne nous attend, nous ne sommes pas pressés. Nous avons le temps, tout notre temps.
Pourtant, nous finissons par revenir au scooter et repartir pour coller au programme de marathonien que nous nous sommes fixés. A l’apaisement de la plage succède l’excitation qui nous grise, des ailes nous poussent et c’est le sourire déformant notre visage que nous repartons sur la route.
Mais que seraient autant de beaux sentiments sans une sanction pour nous ramener à notre réalité ? La sanction tombe comme un couperet, un sifflet et un geste du bras, le policier nous ordonne de nous ranger sur le côté. Les touristes ici sont reconnaissables, et ce sont des cibles faciles. Seul Sylvain a son permis de conduire, et seulement français. Nous pensions pouvoir passer entre les mailles du filet, et bien notre naïveté nous coutera cher.
Cher ? Un million pour être plus précis, un million de roupies soit 66 euros qui mettent à mal notre budget journalier. Et il fallait bien que nous tombions sur un policier sérieux qui fait la sourde oreille à notre proposition de dessous de table. Tant pis, la carte bancaire chauffe et nous grimaçons mais pouvons repartir. Après tout, la sanction n’est pas tant pour réglementer mais juste pour faire débourser l’étranger. Le policier est pourtant très amical et apprécie le fait que nous soyons français, il a même l’amabilité de nous indiquer la route !
Un peu refroidis, nous repartons en constatant que les policiers ne possèdent pas d’armes ni véhicules, et n’ont aucune réelle velléité de poursuite. Ceci alimente notre frustration et la sensation de n’avoir été que le pigeon pour l’économie locale. Mais nos pensés voguent rapidement vers une réalité plus pragmatique: trouver notre chemin dans ce dédale sans fin qui ne connaît pas le mot « signalisation ».
Notre salut apparaît à un feu rouge, sous la forme d’une magnifique moto Honda, conduite avec dilettante par un quadragénaire local. Des présentations, quelques rires et une poignée de main plus tard, celui qui se nomme Kutad devient notre guide providentiel. Bien que bienveillant, il n’en reste pas moins malin et nous propose de nous emmener dans son exploitation de café à côté de notre destination finale. C’est sans hésitation que je me joins à Sylvain pour répondre favorablement, totalement séduit à l’idée de faire une visite de cet acabit.
Nous le suivons avec attention au travers les grands axes, puis des routes qui vont en s’affinant jusqu’à se réduire à l’état d’un sentier de terre et de gravier. Notre guide nous délaisse quelques minutes, non sans nous avoir laissé aux mains de son protégé de 14 ans. Celui ci nous emmène au travers d’une végétation luxuriante dans les différentes étapes de productions et nous les explique dans un anglais approximatif, mais quelque part si agréable à entendre.
Ainsi, la graine de café est, après récolte, mangée par un Luwak (une petite bête bien mignonne !). La première couche sera digérée par l’animal, et c’est sans cette pellicule que la graine ressort. Il s’agit alors de la décortiquer à la main, une par une dans un travail de forçat. Vient ensuite l’étape où la graine est bouillie, avant d’être jetée dans une poile incandescente où elle perd sa dernière pellicule. Elle finit enfin broyée et réduit en poudre pour que le café atteigne la forme que nous lui connaissons.
Alors même que nous achevons d’ingurgiter ces informations, notre jeune professeur nous invite à nous asseoir, et nous emmène une quinzaine de tasses de dégustation. Chacune est remplie d’un breuvage de production locale : thé au herbes, café au gingembre, au ginseng, thé au citron et tant d’autres, certains originaux, d’autres bien connus de nos papilles inexpérimentées.
Le résultat est surprenant, une vraie explosion de saveur à chaque gorgée, nos yeux ne cessent de s’écarquiller alors que nous découvrons des arômes si riches et variés, 100% naturels et locaux. Un vrai délice… et dire que nous pensions boire du bon café en France, et du bon thé en Angleterre…
Notre hôte et guide nous rejoint finalement, et nous échangeons longuement avec lui, sur sa vie, son quotidien, l’exploitation mais aussi le produit en lui même. Tout est gratuit, et pourtant, la qualité des breuvages est si rare qu’il devient perturbant de ne pas le rémunérer pour une telle découverte. Nous sommes en effet sensible aux arômes de thé particulièrement, dont nous sommes grands amateurs, mais même le café redéfinit notre notion de cette boisson.
C’est ainsi que nous n’hésitons pas à en acheter quand l’occasion se présente. Opération réussie pour cet exploitant que aura su s’adapter au caractère des français que nous sommes. Devenir amis avec les français, traiter les australiens en touriste, voilà bien le mot d’ordre qui semble circuler sur cette île.
Enfin, l’excursion gustative touche à son terme, et notre nouvel ami nous emmène bien volontiers dans le restaurant de son ami quand nous exprimons notre faim, puis faire le plein d’essence à notre demande. Il nous place enfin sur la route, et c’est d’une poignée de main franche et amicale que nous lui disons adieu.
En avant pour Ubud ! Nous trouvons enfin la destination que nous avons tant cherchée, et nous décidons de commencer par la forêt des singes. Passée la première surprise de circuler au milieu des singes, nous comprenons vite que la forêt des singes a bien plus à offrir que cet attrape touriste dont l’intérêt est finalement très éphémère. En effet, la jungle et la civilisation s’unissent en une harmonie emplie du folklore local, et de significations religieuses que le savoir de Sylvain me révèle. Le lieu est enchanteur, même si perturbé par l’abondance de touristes que nous évitons consciencieusement. Nous mitraillons de photos avec un réel plaisir plus que par devoir, avant de quitter les lieux avec l’âme sereine et apaisée par la forte spiritualité du lieu.
C’est dans cet état de grâce et d’entrain optimiste que nous nous déplaçons vers le palais d’Ubud, convaincus que l’enchantement perdurera là bas. Loin de là, je ne vois même pas l’intérêt de vous en décrire les lieux, qui sont sans intérêt tant l’exploitation capitalistique de ce domaine en détruit le charme avec une rage presque divine, comme si le panthéon qu’honore ces pierres et gravures avait décidé d’en détruire l’essence et le charme en signe de représailles.
C’est sur cette déception que nous quittons Ubud pour revenir à notre hôtel, zigzagant dans les bouchons et traversant la sortie religieuse des temples en plein ébullition tout au long de la route. Epuisés et repus, nous trouvons quand même la force de manger dans un bouiboui local, finissant d’immoler notre estomac par le feu des épices, avant de rentrer à notre chambre. Las, nous nous attelons à vous faire partager notre aventure par les photos, les vidéos et nos écrits, avant que le sommeil ne l’emporte à 3 heures du matin.
Le réveil est prévu pour 7h, notre nuit sera courte… mais nous ne sommes pas là pour dormir, si ?
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 15 autres membres